Le secret est dans la sauce

« Un cannibale est un homme qui aime son prochain avec de la sauce. » (Jean Rigaux, 1909-1991).

Sauce au 13siècle, d’abord salce, saulce, saulse et sausse, vient du latin salsa « chose salée ». Le provençal, l’espagnol et l’italien conservent la forme latine.

Le mot s’emploie d’abord pour « eau de mer », sens sorti d’usage lorsque sa valeur dominante s’affirme. « Composition culinaire fluide et souvent émulsionnée, salée, épicée ou aromatisée, destinée à accompagner un mets. »: sauce à pauvre homme, au 17siècle sauce froide à base d’eau, de ciboule et de sel, sauce tomates, synonyme de menstrues au 19e siècle, sauce aigre-douce, sauce épicée, sauce à l’estragon, sauce brune, sauce au vin rouge, sauce au beurre blanc, cuiller à sauce, taches de sauce. Assaisonnements liquides ou pâteux dont les saveurs s’harmonisent à celles dudit mets pour l’enrichir et qui prennent de l’importance à partir du 18siècle dans la cuisine bourgeoise car ils accompagnent aussi bien le cru que le cuit : « il [un bœuf à l’ancienne] brillait d’une sauce caramelline mordorée, cernée sur ses bords d’une graisse légère, couleur d’or. » (Sidonie-Gabrielle Colette, Prisons et paradis, 1932). En français d’Afrique, il désigne la composition culinaire plus ou moins liquide qui accompagne les céréales comme le sorgho, le maïs, le riz et qui peut comprendre des légumes, de la viande et du poisson, proche d’une soupe consistante. Par analogie, il décrit la préparation liquide accompagnant un entremets ou garnissant un gâteau : sauce à l’abricot. Et la mixture plus ou moins sirupeuse résultant de la macération de certains fruits.

Au figuré, diverses locutions qualifient la manière de présenter quelque chose, de traiter un sujet : changer la sauce, varier la sauce, allonger la sauce, s’étendre inutilement sur des détails oiseux en particulier, alourdir un texte, un récit de détails inutiles, gâter la sauce, compromettre le succès d’une affaire, à toutes les sauces, de toutes les façons, sous toutes les formes. Par opposition à ce qui constitue l’essentiel : La sauce vaut mieux que le poisson, l’accessoire vaut mieux que le principal.

En français familier et en argot, le mot signifie « correction, réprimande » : donner une sauce (à quelqu’un), gober la sauce, être obligé d’endosser les conséquences de ses actes. « Pluie, grosse averse », synonyme de saucée : recevoir la sauce. « Carburant » : faire le plein de sauce mais aussi « courant électrique » comme jus. « S’employer à fond » : mettre toute la sauce. « Éjaculer » : balancer la sauce.

Les dérivés sont rares : saucer, saucée, saucier, spécialisé(e) dans la préparation des sauces, saucière, récipient dans lequel on sert les sauces, les jus, les crèmes, sauçage.

 

Devoir

Au Québec, quel mot décrit une baignade rapide mais aussi le fait de rendre une courte visite à quelqu’un?

Sau _ _ _ _ _ .

Réponse

Saucette. Synonyme de trempette lorsqu’il s’agit de se baigner brièvement et de courte visite à quelqu’un : « L’Anse-aux-Outardes! Le lieu des apparitions! Pour prier la Vierge qui était venue faire une saucette curative un an plus tôt, un peu pour se glisser dans l’album gaspésien. » (Réal-Gabriel Bujold 1949-2023), La sang-mêlé d’arrière-pays, 1981).