Porté sur la bagatelle

«  En effet, plus je refléchis sur les differens interêts de la societé, plus il me semble que l’amusement, le plaisir, la bagatelle sont des parties essentielles de l’utilité publique, (…), ces riens qui réjoüissent l’imagination au dépens même de l’esprit, qui dissipent l’ennui, ne me paroissent nullement des riens méprisables, parce que nous sommes autant faits pour être réjoüis que pour raisonner. » (Claude-Guillaume Bourdon de Sigrais, Histoire des rats, pour servir à l’histoire universelle, 1738).

Au 16siècle, la langue française s’enrichit de centaines de nouveaux mots, empruntés, pour beaucoup à l’italien, comme arcade, balcon, bourrasque, calepin, carnaval, concert, courtisan, douche, festin, gazette. Bagatelle vient de bagatella, en italien « chose de peu de prix et peu nécessaire », « chose frivole, de peu d’importance. »

Le mot passe au français avec ces mêmes valeurs. De préoccupations légères, des divertissements futiles, des propos souvent oiseux et dépourvus d’intérêt, synonyme de vétilles, balivernes, billevesées, fadaises, sornettes : s’occuper à des bagatelles. Au singulier, d’une chose facile à accomplir, qui ne nécessite aucun effort : pure bagatelle. Par ironie, souvent pour exprimer ce que l’on ne croit pas ce qui vient d’être dit ou qu’on y attache seulement une importance relative : bagatelles que cela. En littérature, d’une composition légère destinée à plaire plutôt qu’à édifier. En musique, d’un morceau de courte durée, sans forme précise : les bagatelles de Beethoven. En peinture, d’un dessin. D’une somme d’argent dérisoire : pour la bagatelle de deux sous, synonyme de bouchée de pain; mais souvent aussi, par antiphrase, de somme fabuleuse : pour la bagatelle de deux millions. De parures, de frivolités féminines : « Mon cher père, dit-elle [Modeste] … allez savoir des nouvelles de monsieur de La Brière et reportez-lui, je vous en prie, son cadeau. Vous pouvez alléguer que mon peu de fortune autant que mes goûts m’interdisent de porter des bagatelles qui ne conviennent qu’à des reines ou à des courtisanes. » (Honoré de Balzac, Modeste Mignon,1844).

Spécifiquement, d’amuse-gueules : bagatelles de bouche. Au Canada français du début du 20siècle, d’entremets composé de biscuits ou de morceaux de gâteau : manger de la bagatelle.

À l’époque classique, le mot développe le sens de « galanteries préliminaires de l’amour » : « Ne refusez pas ce que j’ai de meilleur, ma façon de faire la cour à une femme, de lui prodiguer les tendresses fugitives, les menus soins, les petits cadeaux, les galanteries, les bagatelles nécessaires, et de lui parler une langue inconnue d’elle. » (Jules Renard, Le Pain de ménage, 1899). Jusqu’à la mêlée frénétique des corps : porté sur la bagatelle, faire la bagatelle, en argot « faire l’amour. »

 

Devoir

Diverses expressions imagées ont illustré le fait d’être porté sur la bagatelle au fil des siècles. Associez les six suivantes au siècle où elles étaient usitées. Les chauds lapins devraient être avantagés!

  • Effeuiller la marguerite.
  • Faire des galipettes.
  • Faire l’amour.
  • Faire la bête à deux dos.
  • Faire une partie carrée.
  • Remuer le gigot.

 

15e siècle.
16e siècle.
17e siècle.
18e siècle.
19e siècle.
20 siècle.

Réponse

 

15e siècle. Faire la bête à deux dos.
16e siècle. Faire l’amour.
17e siècle. Remuer le gigot.
18e siècle. Faire une partie carrée.
19e siècle. Effeuiller la marguerite.
20 siècle. Faire des galipettes.

 

Au 18siècle, faire une partie carrée, signifiait « partie de fesses à quatre. » Galipettes, de l’ancien français galer, « s’amuser » évoque l’image de culbute ou de roulade sur le sol.