Clins d’oeil 36-40

  • Depuis le Moyen Âge, des mots français n’ont cessé de voyager à travers le monde, escortés par des soldats, par des pèlerins, clercs et poètes, des princes, voyageurs et commerçants, faisant étape et jouant un rôle clé dans la construction du code écrit des autres langues. Ainsi le mètre, créé en 1791, deviendra mesure commune internationale. S’écrivant Meter en allemand, meter en anglais, en néerlandais et en suédois, metri, en islandais, metro en espagnol, en italien et en portugais, metru en roumain, métr en russe. Tout ce qui a trait à la diplomatie mondiale s’exprime avec des mots français tels ambassade, consulat, agrément, chargé d’affaires, corps diplomatique, prérogatives de courtoisie.
    Source : Marie Treps, Les mots migrateurs. Les tribulations du français en Europe.
  • Le français acquiert le goût délicieux de l’amour mais aussi du péché… dans d’autres langues. Ainsi, dans le domaine amoureux, affair suggère une relation brève et souvent adultère pour les Britanniques, parfois avec une femme fatale. Comme liaison, intrigue et amour aux États-Unis. Le lieu où on consomme cette infidélité se nomme garçonnière par les Italiens, un studio loué pour la circonstance, aussi appelé pied-à-terre. En Roumanie, amor désigne une aventure sexuelle. Amorez, du français amoureux, renvoie à la condition peu glorieuse de « gigolo ». En Allemagne, Kavalier décrit un homme galant rencontré lors d’un Rendezvous romantique ou d’un Tete-a-tete, plus intime. Vive l’amour à la française!
    Source : Franck Resplandy, L’étonnant voyage des mots français dans les langues étrangères.
  • La trahison. On la qualifie de basse, flagrante, indigne, véritable, haute, haute trahison. On peut commettre une trahison, se rendre coupable de trahison, la sentir, la prévenir, en machiner une, convaincre quelqu’un de trahison, soupçonner quelqu’un de trahison. Trahir comme trahir la confiance. Même si on n’est jamais si bien trahi que par soi-même. Le visage, la voix, les mains, le teint, les yeux peuvent nous trahir. « Son visage crispé trahissait son émotion. » « Le tremblement de ses mains trahissait sa peur. » Alors que la trahison ordinaire signifie tromper, trahir son pays, la trahison littéraire consiste à révéler : « Son regard trahissait son désarroi. »
    Source : Jacques Beauchesne, Dictionnaire des cooccurrences.
  • La Louisiane demeurera colonie française d’Amérique septentrionale de 1682 à 1803, année de sa cession aux États-Unis. Le français « cajun » qui s’y développe, mis à part les nombreux anglicismes, comporte de charmantes singularités. Ainsi nic désigne un nid, amarrer s’emploie pour attacher et avenant se dit pour gentil. Oncle, mononcle en français québécois, construction semblable à monsieur, se raccourcit en nonc. Les Cajuns pêchent la barbue (poisson-chat) dans le bayou (les marais), mange de l’andouille, une saucisse épicée, joue de la zydeco, mélange de blues et de folk, prennent soin de mamère, leur grand-mère, et surtout, ne lâchent pas la patate, n’abandonnent pas leur identité aux Améritchains.
    Source : Julie Barlow et Jean-Benoît Nadeau, La grande aventure de la langue française.
  • Redoter en ancien français est formé du radical germanique dot- attesté par le moyen néerlandais doten « rêver, tomber en enfance, être aliéné ». Une influence du latin addubitare « hésiter, douter » n’est pas exclue. Au 12siècle, par substitution du préfixe re- en ra-, le verbe devient radoter « déraisonner de vieillesse, reculer vers l’enfance. » De nos jours, il signifie « tenir par sénilité des propos décousus, des discours dénués de sens », dénotant un affaiblissement de l’esprit. Par atténuation, il s’emploie depuis le 17siècle pour « répéter sans nécessité et d’une manière fastidieuse, des choses qui ont déjà été dites », synonyme de rabâcher.
    Source : Pierre Larousse, Petit dictionnaire des étymologies curieuses.