Le verbe latin farcire, « fourrer, remplir », produit farcir en français; farsus, « farci », aboutit au féminin farsa qui devient farce, « garniture bourrant l’intérieur d’un mets. » Au 19e siècle, la médecine souhaite donner un nom plus « scientifique » à l’anginede poitrine, ce bourrage de l’artère qui assure l’irrigation du muscle cardiaque. On forge alors une graphie altérée, un faux mot latin, infarctus, qui assemble le préfixe in- « dedans », la racine farc- de farcire, et la finale -tus. Pas étonnant que sa prononciation, pour plusieurs, soit si pathétique, contrairement à de vrais latinismes comme cactus, fœtus et prospectus.
Source : René Garrus, Les étymologies surprises.
Les Vikings, du vieux nordique vik « baie », commencent à faire parler d’eux au 8e siècle lorsqu’ils mettent à sac le sanctuaire de Lindisfarne en Écosse. Ils naviguent à bord d’embarcations qui portent plusieurs noms : knörr « bateau à puissante étrave », karfi « caboteur », kaupskip « bateau de commerce » et langskip « bateau long ». La proue de ce dernier était souvent ornée d’une tête de dragon, appelée dreke au singulier et drekar au pluriel dans l’ancienne langue scandinave. Au 19e siècle, par association erronée, le français nomme ce bateau drakkar, appellation inconnue des Vikings et de leurs victimes au Moyen Âge.
Source : Henriette Walter, L’aventure des langues en Occident.
Épais peut signifier « gros » : épaisse liasse de billets; « dense » : épais brouillard; « serré, compact » : épaissefourrure; « lourd » : esprit épais. Au Québec, cette « lourdeur » désigne, par antiphrase, l’étroit du ciboulot, l’avare en bonnes manières, dans les expressions être épais dans le plus mince, « être très bête, très grossier », en beurrer épais, « en rajouter à profusion, amplifier à satiété, se plaindre à l’excès », soit l’épais dans toute son épaissitude. Mais aussi le maigrelet: ne pas en avoir épais sur les côtes, « être très maigre, n’avoir que la peau et les os. »
Source : Benoît Melançon, Dictionnaire québécois instantané.
Les cours d’eau ont des rives et les mers des rivages. Il y a dans ce mot la musique et la majesté d’un élargissement, à la manière du feuillage, plus inextricable qu’un tremblement de feuilles. Du plancher des vaches, le rivage du Terrien est une fenêtre vers le large. Celui du marin, promesse de bon port mais danger d’échouage. Tous les voyages, du corps ou de l’esprit, sont tendus vers un rivage. Lieu de vacances, de plaisirs et de découvertes mais aussi espace où se révèle l’assassinat de la nature, terre et eaux, comme une désillusion cruelle à la fin de toute errance.
Source : Alain Rey, Les mots de saison.
Le devin et la devineresse peuvent lire l’avenir. Don inné ou qui se perpétue par tradition familiale. Parmi les arts divinatoires, la nécromancie se pratique sur des cadavres, comme ceux des poulets, trépignant, privés de leur tête, la chiromancie selon les lignes de la main, la cartomancie avec des cartes. L’astrologie se fonde sur la position des astres. L’hydromancie est la divination par l’observation de l’eau, la géomancie par l’analyse de la terre, des poussières et des cailloux. La xylomancie étudie l’emplacement du bois mort. Talents de clairvoyance fondés, disait Montaigne, sur la « forcenée curiosité à se préoccuper davantage des choses futures qu’ à digérer les présentes. »
Source : Gilbert Millet et Denis Labbé, Les mots du merveilleux et du fantastique.