Durant le Régime français (1608-1760), la langue du Canada et de Paris est la même. Séparés de la France après la conquête anglaise, la langue des Canadiens, qui deviendront des Québécois, reste collée à la terre et aux gestes quotidiens, coupée de la modernité, constamment frottée à la langue et aux modes de faire du conquérant, se ressourçant pour survivre à son fonds ancestral.
À Paris, l’entrée en scène de la classe intellectuelle des Philosophes et des Encyclopédistes, soutenue par la grande bourgeoisie, marque la fin de l’influence de la noblesse et l’abandon de la prononciation traditionnelle. L’autorité et le prestige acquis par les gens de lettres vont leur conférer le pouvoir d’influencer la langue, en devenant le modèle à imiter. Désormais, chaque syllabe a tendance à être prononcée avec énergie, ce qui a pour effet de donner au mot sa plénitude articulatoire. La révolution des esprits est suivie d’une révolution phonétique qui accompagne la révolution politique (1789-1799).
Cinquante ans après la cession du Canada à l’Angleterre, la rupture de la communauté d’accent entre Paris et Québec est consommée. Ainsi, les prononciations /ouè/ et /è/ du bel usage, pouère, rouè, frèt, neyer, sont supplantées à Paris par la prononciation /oua/, poire, roi, froid, noyer. La prononciation /é/, pére, lumiére, est supplantée par la prononciation /è/, père, lumière. La prononciation /s/, escuse, est supplantée par la prononciation /x/, excuse.
À Paris, il y a allègement du /a/ postérieur, alors que Québec maintient un /a/ postérieur très grave, proche du /o/ ouvert où part se confond avec port et quart avec corps.
Au Québec, il y a une tendance marquée à la syncope du /r/ dans un grand nombre de mots terminés en /re/, vinaigue, quat, not, vinaigre, quatre, notre.
Paris restaure le /l/ de il; Québec ne prononce que le /i/ et maintient la chute du /f/ dans œuf, bœuf, neuf, prononcés œu, bœu, neu et celle du /b/ dans obstination, prononcé ostination.
Au Québec, c’est la Révolution tranquille des années 1960 qui marque la reprise en main du destin de la nation, d’affirmation et d’épanouissement linguistiques et le développement d’un accent posé sur un socle rythmique et mélodique (élocution, intonation) bien québécois.
Devoir
Outre les changements d’usage phonétique, il se développe en Nouvelle-France, au cours des 17e et 18e siècles, un vocabulaire courant formé d’archaïsmes et de régionalismes, d’extensions de sens aux mots de la langue commune et d’emprunts aux langues amérindiennes. Trouvez quelques-uns de ces premiers québécismes d’après leur description.
Description | Québécisme |
Être prêt | |
Être vide, sans charge | |
Jambes écartées | |
Pleuvoir | |
C’est dommage | |
Bras de fer | |
L’après-midi | |
Frôler | |
Chauve |
Réponse
Description | Québécisme |
Être prêt | Paré |
Être vide, sans charge | Être allège |
Jambes écartées | Éjarré |
Pleuvoir | Mouiller |
C’est dommage | C’est de valeur |
Bras de fer | Tir au poignet |
L’après-midi | La relevée |
Frôler | Raser |
Chauve | Calé |