« Les nuits sont enceintes et nul ne sait ce que sera le jour qui naîtra. » (proverbe turc).
Turc vient, au 13e siècle, du grec byzantin Tourkos mais son étymon se rattache au mongol türküt « force, puissance », pluriel de « Türk »; nom propre s’appliquant à l’origine à divers peuples nomades de Haute-Asie.
Son usage se réfère à l’Empire ottoman (1300-1919) et à ce qui est propre à la Turquie moderne, grandement influencée par l’arrivée au pouvoir de Mustapha Kemal Atatürk au 20e siècle : sérail turc, café turc, tabac turc, tapis turc, bain turc, bain de sudation à la vapeur suivi d’une douche chaude et de massages, toilette à la turque, installation sanitaire sans siège, ne comportant qu’une cuvette d’évacuation et un repose-pieds. Tête de turc désigne d’abord un dynamomètre représentant une tête d’Ottoman, le front ceint d’un turban, sur laquelle on frappe avec un maillet dans les fêtes foraines pour estimer sa force physique. Par analogie, la locution décrit une personne qui est la cible des attaques, des railleries d’autrui, un souffre-douleur.
Les dérivés comprennent turquerie, « composition artistique ou littéraire d’inspiration turque », turquette, « plante de petite taille ». Turco est l’emprunt de turco, mot du sabir algérien, proprement « soldat turc », l’Algérie étant restée sous domination turque jusqu’en 1830. Il formera turcoman, synonyme ancien de turkmène, « langue du groupe turc » et turcomongol.
Le turc, une langue ouralo-altaïque, résulte du métissage de trois familles linguistiques : le mongol d’origine asiatique, le persan, langue indo-européenne et l’arabe, langue sémitique. Fort de cet héritage, le turc ne met pas de temps à intégrer dans sa langue environ 5000 mots pris au français. Du fait, principalement, des idées nouvelles propagées, par les écrits de Rousseau, Voltaire et Montesquieu au 18e siècle, le siècle des Lumières, puis de la Révolution française. Influence qui s’accélérera au cours des 50 dernières années.
Pour illustrer un style de vie alanfranga, littéralement « à la française », à l’européenne, à l’occidentale. Avec des mots qui se rapportent au mobilier : tablo, table, sezlong, chaise longue, bibiyotek, bibliothèque, kanepe, canapé, etajer, étagère.
À la mode masculine : kostüm, costume, pardösü, pardessus, pantolon, pantalon, redingot, redingote, veston, kravat, cravate, sômiz chemise. Et féminine : korsaj, corsage, sömizye chemisier, rop robe, bikini, soset, chausette, kilot, culotte, sütyen, soutien-gorge, korse, corset, jüpon, jupon, ropdösambr, robe de chambre. Pour que les femmes soient belles : mizanpli, mise en plis, avec ou sans bigudi, bigoudis, chez le kuafôr, coiffeur. Au port de nouveaux chapeaux compétitionnant le fez, la calotte tronconique en laine, coiffe traditionnelle des Turcs : bere, béret, kasket, casquette, panama.
À l’adoption d’éléments d’une autre culture : opera, opéra, bale, bal, müsik, musique, dans, danse. melodi, mélodie, ekspozisyon, exposition, mesen mécène.
Bien sûr, à la restauration : omlet, omelette, sampiyon, champignon, mayonez, mayonnaise, alakokn, oeuf à la coque, kotlet, côtelette, gato, gâteau, profiterol, profiterole, pötibör, petit beurre, likör, liqueur, konyak, cognac.
Au vocabulaire de la ville dont la prononciation, transcrite selon l’usage phonétique turc, est très peu altérée : bulvar, boulevard, garaj, garage, balkon, balcon, asansör, ascenseur, otel, hôtel, garsoniyer, garçonnière, bar, bistro, gar, gare, butik, boutique, parfümeri, parfumerie, kafeterya, cafétéria. Ou spécifiquement à la maison : vantilatör, ventilateur, frijider, frigidaire, kuvertür, couverture, ampul, ampoule, biberon, portmanto, portemanteau, lavabo.
À la technologie, à l’industrie, à la médecine : informatik, informatique, ekran, écran, klaviye, clavier, grev, grève, prospektüs, prospectus, dyabet, diabète, grip, grippe.
Aux sentiments, manières d’être et réalités subtiles : espritüel, spirituel, bohem, bohème, ironik, ironique, sempatik, sympathique, süblime, sublime, romanesk, romanesque, melankolik, mélancolique. À l’amour : randevu, rendez-vous. Quoique la traduction de baiser français est moins reconnaissable : fransiz öpücügü!
Devoir
Quel dérivé de turc désigne une pierre fine opaque d’un bleu tirant sur le vert utilisée en joaillerie?
Tur _ _ _ _ _ _ .
Réponse
Turquoise. Par ailleurs la couleur turquoise est enregistrée dans les dictionnaires depuis la fin du 19e siècle. Le mot décrit également, par référence à sa provenance turque, un siège long comportant aux extrémités deux chevets symétriques. Un autre dérivé, turquin, d’emploi littéraire, dépeint un bleu foncé et mat, tirant sur l’ardoise.
La migration des mots ne va pas dans un seul sens. Le français a aussi adopté quelques dizaines de mots venus directement de la langue turque ou ayant transité par elle. Parmi lesquels babouche, bachi-bouzouk, café, cafetan, caviar, chacal, chagrin, charivari, divan, gilet, janissaire, kiosque, minaret, narguilé, odalisque, pacha, pilaf, sérail, sofa, turban.