Samedi. 5 h du matin. Le réveil sonne. Je me lève. Le lit grince. Je marche vers la salle de bain. Le plancher craque. Je pisse. La toilette flushe. Je me lave les mains, le visage. L’eau froide gicle, revigorante. Je me coupe la barbe. La lame racle ma peau. Dans la cuisine, je remplis mon bol de Corn Flakes. Le lait noie les flocons qui se délaient dans ma bouche. Je sirote mon jus d’orange. J’avale mes médicaments. Je croque mes toasts. Je me brosse les dents et me gargarise. Fin prêt, je m’habille et mets mon uniforme dans mon sac; il se froisse déjà. Je prends mon lunch dans le frigo qui se lamente. Je grattouille la tête de Minou noir et lui dis bonjour. Je sors de la maison. La porte claque.
Je démarre l’auto. Elle ronronne. J’allume la radio. La chanson Femme like U joue. La voix grêle de Cœur de pirate. Donne-moi ton cœur, baby, ton corps, baby. Je prends le chemin de l’hôpital. Vingt minutes de route. Des voitures pressées me dépassent. Vroum. Il pleut. Des gouttes éclatent sur le pare-brise. Les essuie-glaces geignent.
Dans le stationnement de l’hôpital, je gare l’auto. Le moteur s’éteint. La porte de la Clinique externe couine et s’ouvre toute seule. L’agent de sécurité, un collègue, me salue. Je lui demande s’il veut un café. Noir svp. Il m’invite à me laver les mains. Le bec verseur de l’antiseptique fait pouich pouich quand j’appuie dessus. J’enfile aussi un masque. L’élastique froisse mes oreilles.
Je me dirige vers le bureau. Passe devant l’Urgence. Dis bonjour à des connaissances. Encore à l’ouvrage, depuis la nuit dernière. Médecins, infirmières, inhalos, techniciennes en radiologie, préposés aux bénéficiaires, employés de la salubrité et de la cuisine, téléphoniste. J’entends les stéthoscopes qui tintent sur les poitrines. Les moniteurs qui bourdonnent. Les appareils respiratoires qui sifflent. Les aiguilles qui se fichent comme par succion dans le mou des cuisses. Les oreillers frais qu’on tasse sous les têtes. Les piqués propres qui se défroissent sous des fesses, fraîchement lavées. Le roulis des civières et des chariots. Secoués parfois par les cris et hurlements des patients, leurs gargouillis et murmures, leurs râles et soupirs, leurs vents et ronflements.
Travailleurs et surtout travailleuses de la santé. En tenue de combat. Tous masqués et de la même trempe. Tiens, me dis-je en pensant à la série Frères d’armes, pareils aux soldats de la Easy Company, les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale. Image rendue superbement dans cette réplique de leur ex-capitaine à son petit-fils, après le conflit, quand l’enfant lui demande:
« Grand-père, es-tu un héros? »
« Non. Mais j’ai servi avec des héros. »
COVID ou pas COVID, samedi j’ai côtoyé des héros. Dimanche, j’en croiserai d’autres. Quand le réveil sonnera. À 5 h.