« Pris de froid, le temps se couvrit d’une écharpe de brume. » (Sylvain Tesson, Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages, 2008).
La journée la plus courte de l’année se disait brevima (dies) aux premiers temps de Rome. Brevima devient bruma, avec le sens de « solstice d’hiver » puis « hiver », « temps froid. » En 118 av. J.-C., la Provence est conquise, intégrant la nouvelle province romaine de Narbonnaise. L’ancien provençal adopte bruma mais lui substitue le sens de « brouillard », caractéristique de l’hiver des régions méridionales. C’est par l’intermédiaire de ce dialecte qu’au 13e siècle le français le lui emprunte sous la forme brume.
Le mot désigne un amas plus ou moins opaque de gouttelettes en suspension dans l’air, masquant peu ou beaucoup, le ciel, la surface du sol ou des eaux : brume épaisse, synonyme de brouillard, brume légère, rideau de brume, brume du matin, saison des brumes. Des conditions climatiques qui caractérisent un pays, une région : brumes du nord. Spécialement en mer, les conditions qui réduisent ou annulent la visibilité : banc de brume, corne de brume, « instrument réglementaire à bord ou à terre qui, en cas de brume, émet des signaux sonores pour faire connaître la présence d’un navire ou d’un danger. » : « Une corne de brume échouée sur un haut fond perçait le brouillard sur deux tons calmes, d’un gros soufflet assoupi. » (Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, 1951).
Par analogie, il décrit un nuage de particules solides en suspension : brume de poussière. Un voile sombre qui gêne la visibilité : « Les chandelles (…) jetaient si peu de lumière qu’on ne voyait pas les murs de la salle. Les ténèbres y enveloppaient tous les objets d’une sorte de brume. » (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris,1832). Par figure, ce qui empêche de voir, de comprendre clairement quelque chose : brumes du sommeil, brumes de l’ivresse. Ce qui est vague, peu clair, incertain : brumes de la fiction.
Parmi les dérivés figurent brumeux, euse, brumeusement, brumer, « couvrir d’une fine couche de particules liquides ou solides simulant l’aspect de la brume », brumasse, « légère brume », brumasser, brumaille « temps brumeux ». Brumisateur et brumisation se rapportent à une technique créant de la brume artificielle utilisée en esthétique et en dermatologie. Rare, brumal signifie « qui appartient à la saison des brumes » : plante brumale. Embrumer forme les peu répandus embrumement « action ou fait d’embrumer » et embrumailler; le suffixe -ailler donnant un sens péjoratif aux mots comme courailler, disputailler et poussailler.
Devoir
Quel autre mot français emprunté à l’ancien provençal signifie « poussière d’eau formée par les vagues qui se brisent dans la direction du vent »?
Em _ _ _ _ .
Réponse
En plus de brume, l’ancien provençal embruma produit embrumer dont dérive embrun qui s’emploie davantage au pluriel : « Le vent tourbillonne et m’enivre, et je sens le goût salé des embruns quand la vague couvre l’étrave. » (Jean-Marie-Gustave Le Clézio, Le Chercheur d’or, 1985).
En français, on recense environ 1200 mots empruntés au dialecte provençal parmi lesquels abeille, anchois, auberge, badaud, barque, casserole, cigale, goujat, jarre, langouste, muscade, salade, tortue, troubadour, truffe.