Les ânes

Un fermier et ses deux fils se rendaient à la foire vendre leur âne.
Sur le chemin, le benjamin, une tête de mule, dit à l’aîné.
« Regarde, l’herbe est bleue. » « Mais non, elle est verte. »
« L’herbe est bleue. » « L’herbe est verte. »
« L’herbe est bleue. » « L’herbe est verte. »
L’âne et le père continuaient d’avancer, sans se soucier d’eux.
Mais la dispute s’envenime.
Les fils décident de la soumettre à l’arbitrage de leur père.
« Père, l’herbe est bleue, n’est-ce pas? », rétorque l’espiègle benjamin.
« Tourne-toi » dit le père.
Une fois de dos, il lui administre un magistral coup de pied au cul.
Le benjamin part par devant rejoindre l’âne et son harnais.
L’aîné applaudit à cette punition.
Son père l’apostrophe : « Tourne-toi. »
L’aîné, surpris, obéit.
Et le père lui botte le cul de la même manière que l’autre.
« Mais père, pourquoi me punissez-vous si j’ai raison? »
Le fermier réunit ses deux fils en les tirant chacun par une oreille.
« Votre punition n’a rien à voir avec la question de savoir si l’herbe est bleue ou verte. Mais du fait que vous vous occupiez seulement d’avoir raison. Sans souci de la vérité ou de la réalité. Ne perdez jamais de temps à présenter des arguments qui n’ont aucun sens. Il y a des gens qui, quelles que soient les preuves qu’on leur présente, ne sont pas en mesure de comprendre. Et d’autres, aveuglés par leur ego, leur fanatisme ou leur ressentiment, qui ne souhaiteront jamais qu’une seule chose : avoir raison même s’ils ont tort. »
« Mais alors père, faudrait-t-il donner la fessée à tous ceux qui agissent ainsi? », demanda le benjamin en se massant la croupe.
« Si le résultat est bon pour mes deux ânes de fils, pourquoi pas ».
Et les quatre compagnons reprirent gaiement la route vers le marché.