Les quatre saisons de l’été

Roman de Grégoire Delacourt publié en 2015. C’est l’histoire, comprends-tu, d’hommes et de femmes qui s’aiment, se croisent, se quittent et se raccommodent comme disait ma mère, à quatre différents âges ou saisons de la vie. Alors qu’ils se trouvent sur les plages du Touquet dans le département du Pas-de-Calais à l’été 1999, juste avant la fin du monde, laquelle n’aura pas lieu. En voici des petits bouts:

Première saison. À 15 ans, Louis est amoureux de Victoire, 13 ans.
(Assis au bord d’un bassin où nagent des poissons rouges, ils jouent au film Les dents de la mer en faisant tourner leurs pieds dans l’eau avant que les « requins » ne les démembrent)
« Les parties les plus éloignées de nos corps faisaient connaissance. »

(Louis qui commence à avoir des idées d’adulte)
« Je me suis levé. Dieu que mon corps était lourd. Il venait de perdre la grâce de l’enfance. »

(Victoire qui n’en est pas encore là)
« Je vais grandir, je te le promets. Quand je reviendrai, je te dirai ce qui rend une femme amoureuse. »

(Louis qui prend soin de sa mère veuve car elle peine à se trouver un emploi)
« Je nous préparais à dîner le soir. Puis, lorsqu’elle était trop fatiguée ou trop ivre, je l’aidais à se déshabiller et la couchais. Je lui racontais toujours ma journée, ce qui la rassurait: l’un de nous vivait encore. »

Deuxième saison. Eugénie, 35 ans, n’a jamais eu beaucoup de chance avec les hommes. À 17 ans, elle s’offre à Jérôme, puis elle se marie avec un autre, fait un bébé et se retrouve seule avec son fils.
(Sa façon de concevoir les relations amoureuses)
« On tombe amoureuse, puis on tombe enceinte, puis on tombe de haut. »

(Sa façon de décrire son emploi)
« Je m’occupe de faire rédiger les petites brochures qu’on empile sur les tables des salons d’étudiants et qui finissent par terre, parce que mettre un papier dans une poubelle est devenu un geste trop complexe. »

(Sa réaction bienveillante quand elle trouve un vieil homme sur la plage que la mer a rejeté)
« On tentait de le faire repartir (son cœur). Les pompiers mendiaient une, deux, trois secondes de vie encore. Allez, allez, s’il vous plaît, restez avec nous. Restez, vous allez manquer le bal. Restez, il va faire beau demain. »

(À l’hôpital où le naufragé est conduit, elle retrouve Jérôme, son amour de jeunesse)
« Alors, par-dessus la table qui nous séparait, j’ai avancé ma main. Prudemment. Mes doigts ont touché les siens, se sont emmêlés, ont pris racine dans sa paume. »

Mais ça se termine encore mal pour elle. Jérôme « entre en elle par effraction » et disparaît pour de bon de sa vie; le vieil homme qu’elle a secouru meurt, elle le saura plus tard, de chagrin.

Troisième saison. Monique, 55 ans, mère et mariée à Robert, recherche une aventure. Parce qu’elle a besoin encore d’être désirée, qu’un homme la trouve belle. Elle l’avoue à son mari, décide de s’appeler Louise, un prénom moins vieux que Monique (ma sœur va être contente), et part seule au Touquet.
« Allez au Touquet, là-bas la mer se retire comme un drap, comme une impudeur. Et puis je sais qu’on y trouve encore quelques gentleman. »
« il arrive que des hommes me sourient, que leurs sourires soient un compliment, une caresse, et que leurs regards s’attardent sur mon dos après mon passage. »

(Un homme marié tente sa chance)
« J’ai d’abord vu vos jambes. Puis vos hanches, lorsque vous avez grimpé sur ce tabouret. Puis la façon dont vous avez croisé vos jambes, presque au ralenti. »
« Vous n’aviez pas encore vu mon visage? »
« J’en étais à la nuque lorsque je vous ai chuchoté cette mauvaise réplique de livre. » (je vous épargne la réplique).

(Avant de rejoindre l’homme marié dans sa chambre d’hôtel)
« Sur le bord de la Plage, je reconnais le couple de vieux rencontré la veille. Ils portent chacun un gilet du même beige. Ils se tiennent par la main, comme pour empêcher l’autre de s’envoler si d’aventure le vent se mettait à leur jouer un mauvais tour et cherchait à les séparer. »

Quatrième saison. Rose et Pierre, 75 ans, le couple de vieux vu par Monique, se sont rencontrés au Touquet durant la guerre, un jour de bombardement, en traversant la plage transformée en champ de mines par les Allemands. Miraculeusement indemnes mais orphelins, ils décident de demeurer ensemble.
« Nous avions surtout moins peur ensemble, nous pensions que nous tomberions moins facilement en étant deux… Sans nous être choisis, comme la plupart des gens. »

(Mariés, ils découvrent le bonheur d’être ensemble)
« Nous étions orphelins, notre mariage allait fonder notre famille. »
« Nous nous aimions dans le plaisir délicieux de nous retrouver souvent. Nous nous aimions en marchant sur la digue d’un même pas, en regardant les mêmes jolies choses. Nous nous aimions à chaque instant, sans chercher à le prolonger, sans rien lui demander d’autre que ce moment d’éternité. »

(Ils font un bébé, une fille, Jeanne, puis un garçon qui meurt 34 heures après être venu au monde)
« Nous n’eûmes même pas le temps de l’appeler par son prénom. »

Vieux, ils décident de mourir ensemble sur la plage du Touquet où ils se sont rencontrés en avançant dans la mer pour s’y noyer. Rose meurt tout de suite mais Pierre le naufragé est secouru par Eugénie avant de succomber à l’hôpital.

Épilogue. Malgré tout, l’histoire finit bien. Louis retrouve sa Victoire qui cogne à sa porte dix ans plus tard. Femme, enfin.

Eugénie, toujours seule, se recueille sur la tombe de Pierre, tenant « un livre qu’elle lit à voix basse, lentement; comme on offre des mots dans un hôpital à quelqu’un dans un coma, au cas où il entendrait encore. » Arrive Jeanne, la fille de Rose et Pierre. Les deux femmes ont beaucoup à se raconter. Jeanne à Eugénie, l’histoire d’amour de ses parents; Eugénie à Jeanne, les dernières heures de vie de son père.

Monique et Robert déménagent aux États-Unis plus heureux que jamais. L’homme qui l’avait draguée au Touquet, c’était son mari!

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