« Si les règles et les genres ont jamais été imaginés, c’était pour assurer à l’esprit humain sa pleine liberté, pour lui permettre les cris, et la surprise, et le chant profond. » (Jean Paulhan, 1884-1968).
Le genre des noms est la catégorie grammaticale fondée sur la distinction naturelle entre les sexes ou sur des critères établis par convention : genre féminin, genre masculin, genre inanimé, genre neutre, genre épicène. Propriété qui se communique, par le phénomène de l’accord, au déterminant, à l’adjectif épithète ou attribut, parfois au participe passé, ainsi qu’au pronom représentant le nom : une belle femme, un bel homme, yeux bleus, chaise verte, ce crapaud est un amphibien.
Mais ces règles s’appliquent en tenant compte d’exceptions, nombreuses, ce qui explique, en partie, que mon édition de la grammaire Le Bon Usage de Maurice Grevisse comporte 1762 pages. Ainsi, les homonymes se distinguent par le genre : la mémoire « faculté de se souvenir » est féminin; un mémoire « exposé écrit » est masculin. Les homophones aussi : le poids, la poix, le mal, la malle. Certains noms sont usités surtout ou uniquement dans des expressions dans lesquelles le genre est invisible : sans conteste, bête de somme, à tire-d’aile. Le genre des noms inanimés est arbitraire; il n’est pas déterminé par leur sens mais plutôt par leur origine et aux diverses influences qu’ils ont subies. Beaucoup de noms ont changé de genre au cours de l’histoire. Alarme, comète, date, dent et erreur ont été masculins avant de devenir féminins. Acte, carrosse, doute, exemple et reproche ont été féminins avant de devenir masculins.
Les noms aux terminaisons en /-ier/, /-age/, /-as/, /-ent/, /-in/, /-is/, /-on/, /-illon/, /-isme/, /-oir/ sont généralement masculins: encrier, plumage, fatras, logement, rondin, roulis, coupon, goupillon, héroïsme, miroir. Avec des exceptions : cage, image, page sont féminins. Les noms terminés par les suffixes /-ade/, /-aie/, /-aille/, /-aison/, /-ison/, /-ance/, /-ande/, /-ée/, /-ence/, /-esse/, /-eur/, /-ie/, /-ille/, /-ise/, /-sion/, /-tion/, /-té/, /-ure/ sont généralement féminins : colonnade, chênaie, pierraille, douzaine, cargaison, trahison, constance, offrande, poignée, exigence, richesse, couleur, jalousie, brindille, gourmandise, pression, dentition, bonté, morsure. Sauf exceptions, au masculin : ordonnance, silence, honneur.
La finale /-a/ semble attirer les noms vers le masculin : opéra, sauna, agora MAIS pas caméra, pizza, saga. Les noms de sciences sont féminins: géologie, chimie, botanique, sauf le droit. Chose est ordinairement féminin mais masculin dans la locution pronominale indéfinie un petit quelque chose. Merci est féminin dans le sens de « pitié » : à la merci; masculin dans le sens de « remerciement » : un gros merci. Certains noms changent de genre en même temps que de nombre : amour maternel, premières amours, pur délice, délices infinies. Les noms de villes sont masculins dans l’usage parlé : grand Montréal; mais souvent féminins dans la langue écrite, surtout littéraire : Amsterdam endormie. En France, les noms de voitures sont féminins : une Citroën; plutôt masculins au Québec : un Chevrolet. Super, réduction de supercarburant est masculin mais en Belgique on dit la super, d’après essence. Automobile, réduction d’auto a été masculin d’après véhicule automobile; l’influence de voiture a imposé le féminin. Après-midi était masculin pour l’Académie de la langue française en 1932; elle lui a reconnu les deux genres en 1986. Légume est masculin mais féminin dans l’expression une grosse légume « personne très importante. » Aise est féminin, son contraire malaise masculin. Oasis, bien que féminin, n’est pas rare au masculin dans la littérature.
Les noms génériques d’animaux sont masculins : bovidés, insectes, mammifères MAIS ils peuvent être féminins si les femelles sont plus importantes pour l’éleveur que les mâles : les vaches, incluant les taureaux, les poules, incluant les coqs.
Des noms féminins s’appliquent seulement à des hommes : vigie, « matelot placé en observation dans la mâture ou à la proue d’un navire », Sa Sainteté, Son Éminence. Des noms masculins s’appliquent à des femmes : alto, « voix féminine la plus grave dans le registre vocal », mannequin. Les noms désignant les bambins sont souvent masculins, le sexe n’étant pas pris en considération : enfant, bébé. Des noms féminins désignent les deux sexes : crapule, personne, recrue, vedette, victime, célébrité, personnalité, forte-tête, mauvaise langue. Dans le langage affectif, on observe des interversions de genre : mon petit canard en peluche pour une femme, ma grosse bête chauve mais velue pour un homme.
Devoir
Quel mot de quatre lettres désigne un ensemble indéterminé de personnes dans les deux genres, selon des contextes différents?
G _ _ _ .
Réponse
Gens. On trouve l’origine de cette ambivalence grammaticale en ancien français, gens étant alors le pluriel du nom féminin gent qui signifiait « race, nation. » Très vite, le mot adopte le genre masculin : Tous ces braves gens font de leur mieux. Mais s’accorde encore au féminin : Les petites gens de ce quartier travaillent dur pour vivre. Par ailleurs, gent s’emploie toujours pour désigner les hommes, la gent masculine!