Mots d’esprit

« L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne. » (Pierre Desproges, 1939-1988).

Merci à ma sœur Louise de me l’avoir rappelé.

Esprit vient du latin spiritus « souffle, air ». Il s’écrit d’abord espirit et esperit au 12siècle. Sa forme moderne ne se répandra qu’à partir du 16siècle.

Mot complexe qui revêt de multiples acceptions, c’est par l’intermédiaire des textes chrétiens d’inspiration divine qu’il est introduit en français : Sanctus Spiritus, Saint-Esprit, la troisième personne de la Trinité, qui procède du Père par le Fils. Le souffle vital, l’action créatrice et bienfaisante de Dieu.

Par analogie, il décrit une émanation odorante : « Dans le temps des amours, les mâles et les femelles (…) se reconnaissent de loin, par l’intermède des esprits exhalés de leurs corps. » (Pierre Jean Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, 1808). Une substance liquide volatile obtenue par distillation comme les alcoolats employés en parfumerie et dans la fabrication des liqueurs : esprit de lavande, esprit-de-bois, « alcool méthylique. » Les éléments invisibles propres à l’activité physique et psychique : perdre l’esprit, « perdre la raison, s’affoler », reprendre ses esprits, « reprendre connaissance, revenir à soi. » Un principe immatériel : esprit du Mal. Un être incorporel : pur esprit. De nature bienveillante dans le monothéisme judéo-chrétien : esprit bienfaisant. Ou maléfique : esprit du démon. Un être imaginaire, légendaire, le plus souvent inspiré du paganisme, des mythologies et des croyances magiques : esprit follet, lutin supposé attaché à une personne ou à une maison. L’âme des défunts désincarnée après la mort sans être devenue tout à fait immatérielle et qui se manifeste auprès des vivants, leur parle, leur apparaît : croire aux esprits.

Le mot s’inscrit comme principe de la pensée et de l’activité réfléchie de l’être humain : vue de l’esprit, « conception abstraite ne s’appuyant pas suffisamment sur le réel », tranquillité d’esprit, esprit aventurier, esprit de sacrifice; état d’esprit, « manière d’être qui détermine une façon de voir les choses et de se comporter », noblesse d’esprit, largeur d’esprit; tournure d’esprit, « manière d’envisager les choses, d’agir et d’être, caractéristique d’une personne », ouverture d’esprit, vivacité d’esprit, profondeur d’esprit; présence d’esprit, « promptitude à agir, à parler avec à-propos », simple d’esprit, vif d’esprit, esprit critique; mot d’esprit, « pensée fine et ingénieuse », esprit de corps, esprit de famille, esprit d’équipe, esprit du temps, « ensemble des tendances générales caractéristiques d’une époque. »

Par extension, esprit désigne une pensée dominante, une idée centrale, le principe qui anime une œuvre et lui donne son sens profond, l’inspiration prépondérante et caractéristique d’un auteur, essence de sa pensée : esprit d’une loi, esprit d’un livre, esprit de Montaigne.

La formule Où avais-je l’esprit? ne s’utilise pratiquement plus pour s’excuser d’un manque d’attention envers quelqu’un. Signe d’une époque où la bienséance se perd, où les gens manquent d’égards les uns pour les autres.

 

Devoir

L’étymon du mot esprit, spiritus « souffle », vient du latin spirare « souffler », lequel a formé en français d’autres verbes liés à cette notion d’« air ». Trouvez-en trois d’après leur définition.

Inhaler l’air ou des fumées dans les poumons A_ _ _ rer
Absorber l’air dans la cage thoracique, puis l’en rejeter. R _ _ _ _ rer
Sécréter de la sueur par les pores de la peau. T _ _ _ _ _ _ rer

Réponse

Inhaler l’air ou des fumées dans les poumons Aspirer
Absorber l’air dans la cage thoracique, puis l’en rejeter. Respirer
Sécréter de la sueur par les pores de la peau. Transpirer