Murmures d’Alexandre Charbonneau-Robichaud, un auteur qui est aussi mon fils. Un thriller psychologique d’horreur, de mystère et de paranormal publié en 2024, moi qui n’aime que les histoires pas trop compliquées qui finissent bien. Mais la couverture du livre était jolie. Une jeune femme en robe noire dans un cimetière. Je l’ai acheté en me disant : « Dans quoi est-ce que je viens de m’embarquer? »
C’est l’histoire, comprends-tu, de Léo, 24 ans, qui vient de terminer ses études à l’université pour devenir enseignant. Il se trouve un appartement, pas cher, face à un cimetière. Ce qui ne l’inquiète pas le moins du monde. Il souhaite profiter de la vie avec ses amis d’enfance avant de se consacrer sérieusement à son nouveau métier et au poste qui l’attend dans une école de Montréal à l’automne. En voici des petits bouts.
(À propos de son logement pas cher face au cimetière)
« Les gens superstitieux pourraient trouver ça malaisant, mais de mon côté, le gros bon sens prend le dessus et ça me stresse autant que de regarder les nuages passer dans le ciel. »
(Du 2e étage où il habite)
« J’arrive à apercevoir les pierres tombales parmi la neige, rongées par le temps, se tenant comme des dents tordues dans une bouche muette depuis trop longtemps. »
« Les arbres sont ce qui attire le plus mon attention. Leurs branches mortes, qui ne vibrent plus au gré du vent, ressemblent étrangement à des mains hâves et sinistres, les doigts effilés et déshumanisés implorant un ciel indifférent. »
(Il organise une fête chez lui avec ses amis Rose, Adam, Gabriel et Jack. Il fume un joint et se sent alors complètement défoncé. Puis Rose tente de le séduire dans sa chambre; il refuse ses avances et dit à ses amis qu’il ne se sent pas bien, qu’il va se coucher. En rêve, si c’en est un, Rose se dévoile à lui, nue sous son manteau d’hiver)
« La scène devient irréelle, comme si j’étais le téléspectateur de ma propre vie. Je me vois hurler à Rose, lui dire de me lâcher, de me laisser tranquille, de partir d’ici. Que non, c’est non. Ma vulnérabilité accentuée par la drogue me rend encore plus irrité, plus en furie. » (Puis, il se réveille, Rose n’est plus là)
(Lendemain de veille, ça sonne à la porte)
« … c’est la grande horloge Jack l’épouvantail que j’ai commandée sur Amazon. Je l’avais complètement oubliée! »
(Le hic, c’est que le colis est adressé à Maxime Devault, son meilleur ami qui s’est suicidé il y a douze ans)
« Les provocations (et l’intimidation) constantes qu’il subissait (à l’école) avait instillé en lui une anxiété persistante, faisant de chaque coin de couloir une menace potentielle. »
(Pour se changer les idées, Léo décide de faire une petite marche dans le parc, le parc s’agissant ici du cimetière. Il y fait la rencontre d’une belle jeune fille tout de noir vêtue)
« Il y a cette femme, dans la vingtaine, qui, je ne saurais vraiment expliquer comment, contraste et en même temps s’harmonise bien avec le cimetière. Elle gambade naïvement comme une gamine et chacune de ses avancées fait onduler sa robe noire aux textures de fleurs et de papillons sombres. »
(Vers 22 h, Il s’apprête à aller se coucher mais il entend des murmures dehors)
« Des murmures persistants, insistants, qui effleurent mes sens tels des grondements spectraux, si discrets que je pourrais les confondre avec le vent. Des susurrements insaisissables et inlassables qui donnent l’impression d’être à la fois distants et proches »
(Tanné de les entendre, il se lève et regarde par la fenêtre, hébété)
« Éclairé par je ne sais quoi; comme des lampadaires puissants, mais invisibles; je vois… Maxime. »
(Au dépanneur de Monsieur Tao où il travaille quelques heures par semaine, il revoit la fille en noir du cimetière, superbe dans sa robe moyenâgeuse comme l’était la dame en bleu de la chanson de Michel Louvain; il invite Liliana, c’est son nom, à regarder un film d’horreur chez lui)
« Je marmonne et bafouille. Ça m’énerve. Et ça me rappelle moi quand j’avais douze ans et que j’étais timide et constamment mal à l’aise, tel un extra-terrestre à une convention de la NASA. » (Mais elle accepte)
« Ma dernière heure de travail paraît s’étirer indéfiniment, me rappelant ces jours interminables à l’école secondaire où je fixais désespérément l’horloge de la classe, priant intérieurement pour que les aiguilles accélèrent leur danse. »
(Liliana sonne à la porte)
« Mon cœur bat comme un hamster surexcité sur sa roue. Je crois que je n’ai jamais ouvert une porte avec tant d’empressement. »
« Sa petite camisole noire épouse parfaitement les courbes de sa taille et de ses hanches. »
« Je transforme mon appartement en un havre d’ombres enveloppantes et intimes, puis me rassois près d’elle sur le sofa. »
« J’aime bien comment elle parle tout bas. Sous forme de murmures enjôleurs. Sa voix est comme un velours sombre caressant mon esprit, comme un chant enivrant de sirène, qui m’emporte plus profondément dans les eaux mystérieuses du désir. » (Liliana l’embrasse, lui avoue que ses préférences sexuelles sont la domination, le sadisme, la soumission et les punitions! Puis elle lui envoie un solide coup de poing dans ventre. Léo perd connaissance. À son réveil Liliana est partie)
(Chez Rose qui lui a demandé de réparer son ordi, il voit qu’elle a effectué des recherches sur le GHB, la drogue du viol. Il la soupçonne de l’avoir dopé lors de la fête à son appart pour profiter de lui. De retour chez lui)
« Tous mes cadres sont à l’envers. »
(Léo est un gars terre-à-terre mais là, c’est trop. Il décide d’installer des caméras dans son logement)
« Les caméras me sécurisent comme si elles étaient des sentinelles prêtes à signaler le moindre danger approchant. »
(Madame Bélanger, sa voisine d’en bas, l’invite à manger du spaghetti chez elle; il apprend qu’un sans-abri a été tué près de chez lui; l’assassin lui aurait coupé le pénis)
« En descendant les escaliers, je jette un œil sur le cimetière. Sur cet endroit lugubre qui perturbe sans relâche ma tranquillité nocturne avec ses murmures, chants et autres sonorités étranges. »
(Au souper chez madame Bélanger, celle-ci se transforme)
« De son nez jusqu’à sa bouche s’écoule un flot continu de sang qui trace des sillons sur sa peau blanche, rabotée, marquée par les rides et les cicatrices. Ses seins, longs et pendants, oscillent comme des pendules morbides. »
(Il fout le camp au plus sacrant, remonte l’escalier, regarde derrière lui, madame Bélanger s’est transformée en… Liliana qui défonce sa porte)
« Qui es-tu ? Je suis celle qu’on a appelée. Son murmure… m’envoûte… tandis que mon esprit vacille entre la crainte et le désir brut… Malgré moi, je suis en érection… Son sourire s’approche. Ses lèvres s’approchent. Ses dents sont maintenant vertes, noircies, épouvantables! Sa langue est hideuse, bilieuse. »
(Liliana attache Léo à son lit, prend son pied puis lui redonne un coup de poing dans le ventre qui l’assomme. Réveillé, il appelle la police. Les policiers regardent les caméras. On voit Léo, seul, se déshabiller l’air en transe et se masturber intensément. Celui-ci se demande s’il ne souffre pas d’une psychose qui perdure après avoir été drogué par Rose)
« Jamais de toute ma vie je n’ai perdu la tête de la sorte. »
« Le visionnement de la caméra qui m’a filmé en train de me masturber tout seul était traumatisant, mais finalement très révélateur. Il prouve que j’ai imaginé tout ça. »
« Donc, Rose, mon amie d’enfance en qui j’avais confiance, que j’ai connue en même temps que Maxime, a bel et bien mis du GHB dans mon joint. Je dois me rendre à la raison : Rose est dangereuse. »
(Il écrit à son amie Audrey qui lui confirme que, dernièrement, il ne se ressemble pas du tout)
« Je suis désolée pour ça. Mais pour être complètement honnête, tu m’as fait un peu peur la dernière fois, quand tu me pointais des gens dehors qui n’étaient pas vraiment là. Tu insistais pour que je les regarde et il n’y avait personne. »
(Léo a un flash de sa sortie avec Audrey)
« Devant le reflet d’un miroir devant nous, j’ai l’expression aussi indifférente que celle d’un mannequin de vitrine. »
(Liliana s’invite au dépanneur où il travaille)
« Elle se téléporte devant moi, m’attrape les deux bras et me force à les placer dans mon dos. Je pousse un hurlement d’épouvante… Des aiguilles et du fil noir apparaissent de nulle part… Puis elles se mettent à coudre rapidement mon nez. »
(Il s’évanouit avant que Liliana ait eu le temps de l’assommer. Quand il revient à lui, son nez est normal mais tout est saccagé dans le dépanneur. Il se dit qu’il a dû se défendre)
« Ce qui fait du bien aussi, malgré la panique qu’elles causent, c’est que désormais, je sais que mes visions ne sont pas vraies. Il y a des constantes : comme la sexualité qui est toujours très présente, Liliana… Mon esprit me rappelle sûrement la tentative de viol de Rose. »
(Des policiers cognent à la porte de sa chambre d’hôtel où il s’est réfugié. Pour lui parler du meurtre du sans-abri du cimetière. On l’informe qu’on lui a cousu les narines. Léo blêmit, c’est comme dans son dernier cauchemar, alors qu’il pensait qu’on avait plutôt coupé le pénis du pauvre homme)
(De retour chez lui, il regarde ses caméras)
« Je vois une silhouette de dos, un homme… Je ne suis pas aussi grand, ni aussi costaud. Et je n’ai pas la tête rasée. Puis je vois l’individu se retourner… C’est Gabriel (son ami)… Qu’est-ce que Gab foutait chez moi à placer mes cadres à l’envers? C’est quoi ce bordel? »
(Dans son frigo, il trouve un pénis ensanglanté)
« Je ne peux pas faire confiance à la police, ni à mes amis. Ni à moi-même. »
(À bout de ressources, il se rend à l’église espérant que Dieu viendra à son secours)
« Les grands murs sont ornés de vitraux. Les bancs alignés en rangées parfaites invitent à la réflexion spirituelle et à l’introspection. »
(Mais)
« L’endroit est aussi vide que le serait un bar de danseuses dans le quartier gai. »
(Chez lui, jouant de la guitare)
« Ce que je remarque… c’est un morceau de piano qui me suit avec une synchronicité déstabilisante. Ça provient du cimetière… J’ai cette impression malaisante que je suis le seul à pouvoir l’entendre. »
(Excédé, il se rend là-bas pour en découdre avec Liliana qu’il croit être un succube, un démon femelle qui séduit les hommes dans leurs rêves pour avoir des relations sexuelles avec eux. Il s’enfuit lorsqu’il la voit pour tomber sur de vieilles connaissances).
« À un croisement, j’aperçois… Maxime! Exactement comme il était à douze ans! »
« Tu m’as laissé tomber », dit-il.
(Son grand-père lui aussi décédé)
« De là où je suis maintenant, je vois beaucoup de choses, Léo! Je sais que tu mérites tout ça. Tu le mérites! »
(Rose les accompagne. Terrifié, Léo s’enferme dans un mausolée. Il active la fonction lampe de poche de son cellulaire, tellement pratique. Un vieux monsieur bedonnant au sourire franc, rempli de compassion, qu’il a croisé à l’église, s’y trouve déjà)
« Je me nomme Martin. Martin Croteau. J’étais prêtre avant, et, enfin… Disons que j’ai déjà eu affaire à ce qui vous arrive. »
« C’est un rituel. On vous a jeté une malédiction … La personne a invoqué un démon sur toi. Et … c’est l’un de tes proches. »
« Après demain à minuit, lors de la pleine lune, tu dois crier le nom de la personne responsable… Dans les derniers jours, tu as dû normalement recevoir des indices sur qui t’a fait ça. C’est les règles du pacte. »
« Et si je ne réussis pas à trouver? »
« Tu iras en enfer. »
Je ne vous raconte pas la fin. Mon interprétation pourrait différer de la vôtre si l’envie vous prenait de la connaître vous-même. Chose certaine, dans les cinq derniers chapitres, Léo devra combattre des démons et ses démons, des complotistes parmi les morts et les vivants, parmi ses amis. Il devra les combattre sur terre et en enfer.
Bravo à l’auteur. Uns histoire bien structurée, bien ficelée, bien écrite mais, fils, c’est bien la dernière fois que je lis un roman de peur, les tiens ou celui de quelqu’un d’autre. C’est pas bon pour mon cœur.