La physique des catastrophes

Brique de 822 pages publiée en 2007. Premier roman de Marisha Pessl. C’est l’histoire, comprends-tu, de Bleue Van Meer, une ado américaine dont la mère est décédée alors qu’elle n’avait que 5 ans. Elle suit son père, un intellectuel excentrique, qui la ballotte d’une ville universitaire à l’autre, au gré des charges de professeur qu’il obtient.

En voici des petits bouts:

(Alors que Bleue assiste à un cours de Biographies américaines et qu’elle s’ennuie à mourir)
« Ma longue plongée vers la sinistrose aurait pu se poursuivre sans accroc s’il n’y avait cet étonnant coup de téléphone par un glacial après-midi de mars. » (Sinistrose, un mot que je ne connaissais pas et dont on comprend le sens du premier coup)

(Quand elle reçoit un coup de téléphone de Jade, une amie dont elle n’a pas eu de nouvelles depuis une éternité; soit, dans le langage des ados, depuis une semaine)
« Salut, c’est moi, ton passé. »

(Quand elle reçoit par lettre une invitation de Charles, un autre étudiant qu’elle surnomme affectueusement le Prince Charles)
« Les lettres manuscrites, désormais assimilables au triton crêté sur la liste des espèces menacées, étaient l’un des rares objets qui recèlent de la magie en ce monde. »

(Lorsqu’elle consulte à la bibliothèque un ouvrage sur le deuil à travers les époques; un ouvrage passionnant mais dont je ne vous ferai jamais le résumé)
« Ainsi, en 1802, un veuf américain attendait en moyenne 18,9 années avant de se remarier, alors qu’en 2001, il ne restait veuf que 8,24 mois. Et dans l’aperçu « par État », on constate que cette moyenne chute même à 3,6 mois en Californie. »

(Après une beuverie à l’école, l’un de ses amis, Nigel, prend les choses en main avant l’arrivée des forces de l’ordre)
« J’étais frappée par sa réaction. Papa disait toujours qu’une situation d’urgence provoque en chacun de nous des changements fondamentaux. Or, si la plupart des gens se liquéfiaient, Nigel, au contraire, gagnait en intensité et devenait une version plus forte de lui-même. »

(Quand elle réfléchit au sens de la postérité chez les grands de ce monde)
« Léonard de Vinci, Martin Luther King, Gengis Khan, Abraham Lincoln et Bette Davis: à la lecture de leur biographie, on comprenait que, à l’âge d’un mois déjà, alors qu’ils gazouillaient dans un berceau au milieu de nulle part, ils avaient le sens de la postérité. Comme certains sont doués pour le baseball, le calcul mental, le stock-car et le hula hoop, eux étaient doués pour la postérité, avec une tendance à attraper froid, à être impopulaire, voire handicapé (ainsi le pied-bot de lord Byron et le sévère bégaiement de Maugham), ce qui les poussaient à un exil mental. De là, ils entamaient leurs rêves: l’anatomie humaine, les droits civiques, la conquête de l’Asie, l’abolition de l’esclavage…

(Son père, Gareth, reçoit un appel de Kitty, une femme qui lui court après)
« Elle avait la voix aussi stérile et cratéreuse que la lune. » (À mon avis, ce n’est pas un compliment)

(Bleue en visite chez son ami Zach lorsqu’ils passent devant la porte ouverte de la chambre de sa soeur)
« Nous passâmes devant ce qui était très probablement la chambre de Bethany-Louise, aux murs rose gencive, où gisaient des tas de vêtements. »

(Pour décrire la maison qu’elle habite avec son père à Stockton)
« Notre maison, le 24 Armor Street, était tapie dans un quartier boisé appelé Maple Grove… avec des maisons blanches identiques alignées comme des dents. »

(Sa rencontre avec un médecin alors qu’elle est malade et alitée)
« Quand il surgit, sa grande blouse blanche flotta comme un fantôme derrière lui. »

(Au domicile d’Hannah Schneider, son professeur préféré, qui s’est pendue quelques jours plus tôt. Elle s’y rend pour tenter d’élucider ce mystère en compagnie de son ami Milton)
« Il savait (Milton) qu’il y avait toujours un trousseau de clés sous un pot de géranium dans la véranda. Juste après avoir introduit la clé dans le pêne dormant, il s’empara de mon poignet, le serra, puis le relâcha; un geste qu’on faisait en général avec une boule antistress. »
« Bizarrement, il n’y avait rien d’effrayant. En l’absence de Hannah, la maison avait pris l’aspect d’une civilisation perdue. »
« Pour la première fois depuis la mort de Hannah, je fis une nuit complète. Papa appelait ça « le sommeil des arbres ».

(Gareth, son père, quittant Bleue avant la remise des diplômes pour occuper un poste dans une autre université où il la retrouvera un peu plus tard)
« Papa ferma les yeux pour s’assurer qu’il me connaissait par cœur… un souffle régulier comme la mer, un sourire paisible, des yeux argentés, un rossignol enthousiaste. Il remonta l’édredon jusqu’à mes joues et baisa le front. »

Histoire pleine de verve qui décrit la relation fusionnelle d’une fille et son père mais aussi de Bleue et ses amis étudiants. Remplie de joutes oratoires et de réparties savoureuses, sous couvert d’humour. Mon genre de livre. Allons voir ce que Marisha Pessl a écrit d’autre depuis 2007: Intérieur nuit en 2015, un polar. Une autre brique de 700 pages. Je crois que je vais ajouter ce livre à ma liste de suggestions de cadeaux de Noël.

 

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