« Tout travail de longue haleine, répétitif, suppose l’ambition d’être toujours meilleur. » (Bernard Pivot, 1935-2024).
Elle évoque l’appétit universel de succès personnel et de satisfaction de l’amour-propre. Tournée vers le pouvoir suprême ou de l’infime gloriole. Envisagée historiquement sous ses aspects politiques, parfois, regrettablement, ceux des usurpateurs, des tyrans et des conquérants; et, à notre époque moderne, par le gain d’argent et de notoriété que font miroiter la télé, le sport ou les réseaux sociaux. L’ambition.
Ambition vient, au 13e siècle, du latin ambitio, « démarche pour solliciter des suffrages. » chez les Romains. En français, le mot désigne la recherche immodérée des honneurs, des dignités : ambition démesurée, ambition sans bornes, dévoré d’ambitions. En psychiatrie, considérée sous son aspect morbide, il traduit les aspirations des vaniteux et des orgueilleux dans les projets flatteurs pour leur égo : ambition délirante. En théologie, il décrit le péché par lequel arrive la recherche déréglée d’honneurs, soit qu’on ne le mérite pas, soit qu’on ne le rapporte pas à Dieu mais uniquement à son avantage personnel : satisfaire son ambition.
Plus positivement, il décrit le désir d’accomplir de grandes choses, en y engageant sa fierté et toutes ses ressources, synonyme d’idéal, d’aspiration : ambition généreuse, ambition héroïque, ambition légitime. « L’ambition est compatible avec mille qualités généreuses, la probité, le courage et le désintéressement. » (Benjamin Constant, Principes de politique, 1815). Vertus qui devraient s’appliquer, selon l’auteur, à tous les gouvernements représentatifs. Spécialement, dans tout le Canada français au début du 20e siècle, mais aujourd’hui limité aux régions de Charlevoix, Saguenay-Lac-Saint-Jean et Rimouski au Québec, le mot correspond à « ardeur, ténacité dans l’action » : travailler d’ambition.
Usuel à partir du 16e siècle, le dérivé ambitieux désigne, comme nom, une personne qui manifeste un désir ardent de réussir, souvent au moyen d’un effort soutenu ou d’une grande détermination; comme adjectif, ce qui caractérise une forte aspiration à atteindre des objectifs élevés : projet ambitieux. La valeur moderne, en parlant des personnes, est plutôt péjorative, « qui use de tous les moyens, de l’intrigue notamment, pour s’élever.
L’adverbe ambitieusement correspond aux valeurs de l’adjectif. Ambitionner, plutôt littéraire, signifie « briguer », « souhaiter vivement » en français standard et « exagérer, mettre trop d’ardeur, prendre plus que sa part, rivaliser » en français québécois.
Devoir
Au Canada français, quelle expression formée avec ambitionner, encore usuelle chez les septuagénaires, signifie « aller au-delà de ce qui est raisonnable, convenable, conforme à la réalité »?
Ambitionner s _ _ le p _ _ _ bé _ _ _ .
Réponse
Ambitionner sur le pain bénit. « Les filles la regardent avec de grands yeux, elles ne savent jamais à quoi s’attendre lorsque Maude prend cet air. Comme disait leur professeur de troisième année, elles ne voudraient pas ambitionner sur le pain bénit, elle fait déjà tellement pour elles : elle les héberge dans sa maison chaque fois qu’elles vont dans le Maine, elle paie l’essence, le restaurant. » (Rosette Laberge, Chez Gigi, 2017).