Vous ai-je dit que je choisissais souvent mes romans d’après leur titre? Comme les bouteilles de vin d’après leur nom. Celui-ci, de Blandine Chabot, une Franco-québécoise, est savoureux, ne trouvez-vous pas?
C’est l’histoire, comprends-tu, de Catherine, enseignante, début trentaine, encore traumatisée parce que son ex a couché avec sa sœur; c’était il y a deux ans. À la bibliothèque, elle trouve un mot dans un livre de Françoise Sagan qu’elle a emprunté: « Jean-Philippe 514 555-2062. Appelle quand tu veux ».
En voici des petits bouts:
(Pour exprimer sa cohabitation avec les livres)
Si j’avais plus de sous, plus de place et plus de temps, j’aurais plus de livres.
(En mode « lecture »)
Je suis donc installée dans mon canapé, je bois du thé et je lis… je me caresse également la clavicule avec ma main qui ne tient pas le bouquin, sous mon pyjama, tout doucement, tout nonchalamment, même si ça ne me gratte pas, même si ça ne me conduira pas à l’orgasme, même si mes clavicules n’ont pas spécialement besoin de ce genre d’attention.
(Quand elle se demande à quoi peut bien ressembler le Jean-Philippe du billet qu’elle a trouvé dans le livre de Sagan)
Selon mon expérience, les Jean-Philippe sont toujours de sexe masculin.
(Quand elle décide de changer de coiffure parce qu’elle se trouve drabe)
Par souci d’économie et de santé capillaire, j’avais cessé les mèches blondes dans mes cheveux depuis plusieurs années. Je les laissais au naturel, et je les laissais pousser. Ils habillaient désormais toute la partie supérieure de mon dos, comme un long rideau bien sage et bien fade.
(Quand elle se rappelle sa rencontre avec François, son ex)
Il m’avait dit je t’aime alors que nous n’avions encore jamais passé un jeudi ensemble.
(Après une dure journée à l’école, elle entend de la fenêtre de son immeuble l’une de ses chansons préférées: Nothing Else Matters)
Je restai le temps du morceau en haut des marches, les yeux fermés, à savourer cet air que j’aime tant, joué par un instrument si cher à mon cœur. Le temps était subitement doux; la journée subitement belle.
(Après sa première rencontre, dans un restaurant chinois, avec Jean-Philippe qu’elle s’est décidé à appeler)
J’avais, avant même le premier coup de fil, souhaité qu’il ait de jolies dents, et pas plus d’un animal domestique; de préférence un chat. Mon premier vœu était exaucé.
J’aimais sa personnalité, le fait qu’il soit drôle et simple, et son charisme renversant. Sa façon de dire « soupe won-ton » et la liberté avec laquelle il existait.
Jolie histoire et jolie écriture avec des petits bouts cochons. Je ne vous raconte pas quand Catherine et Jean-Philippe se retrouvent dans un placard où ils se sont réfugiés pour assouvir leurs bas instincts, dans une chambre où sont empilés plusieurs manteaux d’hiver sur le lit; ceux des invités qui quittent le lieu de la fête, l’un après l’autre, obligeant nos ardents amoureux à interrompre leurs ébats trop tapageurs et à remonter, robe et pantalon, à chaque fois. Je ne souhaite ça à personne.