Tout son soûl

« Mieux vaut être soûl que con, ça dure moins longtemps. »

Soûl et sa graphie concurrente saoul est l’aboutissement du latin salullus « repu », diminutif de satur « rassasié (surtout de nourriture) » et, au figuré, « riche, abondant, chargé ». Réfection de saule, saul et saol au 12siècle; l’accent circonflexe est introduit au 15siècle, notation que retient la première édition du Dictionnaire de la langue française en 1694.

Le mot se maintient en français avec la valeur vieillie de « personne ou animal qui mange ou boit à satiété » : pour un humain, être soûl de pâtisseries, pour une vache, être soûl de fourrage. « Faisons ripaille et gorgeons-nous tout notre soûl » (Auguste Barbier, Iambes et poèmes, 1840). Au figuré, il signifie « saturé au point d’en être dégoûté », « grisé » : « Tu me reviendras le lendemain tout meurtri de ses caresses anguleuses et soûl de ses larmes. » (Honoré de Balzac, La Cousine Bette, 1846). Mais aussi « autant qu’on veut, autant qu’on le désire » : rire tout son soûl.

Son sens courant se restreint depuis le 17siècle à « personne qui boit de l’alcool avec excès » : fin soûl, « extrêmement ivre ». Ce qui donne lieu à la formation de diverses locutions familières : soûl comme un Suisse, par référence à l’ivrognerie des mercenaires helvètes engagés dans les armées royales, soûl comme un Polonais, d’après la réputation faite aux Slaves d’être portés sur la bouteille, mais aussi à des états de réplétion moins documentés : soûl comme une bourrique, comme un âne, comme un cochon, comme un dogue, comme des huîtres, comme des poux. Et quelques autres propres au français québécois : soûl comme une botte, soûl comme des boules, soûl comme un pape, sans doute de vin de messe.

Les principaux dérivés sont le verbe soûler et soûlotter « boire à l’excès », soûlant, soûlée et soûlerie, « boire jusqu’à l’ivresse », , soûlard, soûlot et, soûlaud, « ivrognes », soulographe, formation plaisante pour « ivrogne invétéré », soulographie et dessoûler : « Dix heures d’hébétude après leur cuite n’avaient pas suffi à dessoûler les porteurs qui menaient le cercueil de leur ami de beuverie vers le corbillard en décrivant d’éloquentes sinuosités. » (Inspiré d’un passage de Jypé Carraud, Tim-Tim bois-Sec, 1996).

 

Devoir

Trouvez à quelle appellation sont associés les cinq breuvages suivants : bière, café, cognac, eau, vin.

Jus de chaussette  
Juste au corps  
Pousse-café  
Purée de septembre  
Ratafia de grenouille  

Réponse

 

Jus de chaussette Au 19e siècle, café trop léger
Juste au corps Au 17e siècle, bière.
Pousse-café Au 19e siècle, verre de cognac pris après le café.
Purée de septembre Au 16e siècle, vin
Ratafia de grenouille Au 19e siècle, eau.