« Si c’est les meilleurs qui partent les premiers, que penser alors des éjaculateurs précoces ? » (Pierre Desproges, 1939-1988).
Éjaculer est un emprunt savant du16e siècle au latin ejaculari « lancer avec force », dérivé de jaculum « arme de jet », lui-même issu de jacere « lancer ».
En français, le verbe se spécialise au sens physiologique de « projeter hors de soi un liquide secrété par l’organisme. » Comme chez certains reptiles qui éjaculent leurs humeurs caustiques. Valeur qui évolue en « libérer le sperme lors de l’orgasme de l’homme » : (…) « c’est une admirable façon de partir, vieux, son nom fait, (…) dans le coup de foudre du plaisir, et de tomber de l’autre côté de la coulisse, éjaculant encore, au pied d’un trône, où le dieu des catholiques vous dit (…) : « inclinez, monsieur, vous m’inondez ». (Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt, Journal, 1858).
Au figuré, dans un usage littéraire, il signifie « manifester brusquement et avec véhémence une pensée ou un sentiment » : « (…) je me mettrai à écrire. Tout cela dans l’unique but de cracher sur mes contemporains le dégoût qu’ils m’inspirent. Je vais enfin dire ma manière de penser, exhaler mon ressentiment, vomir ma haine, expectorer mon fiel, éjaculer ma colère, déterger mon indignation. » (Gustave Flaubert, Correspondance, 1872.)
Le dérivé éjaculation désigne concrètement, durant une stimulation sexuelle active, l’émission du sperme par la verge en érection : éjaculation précoce, qui se produit avant la première ou la deuxième minute de pénétration ou après quelques va-et-vient copulatoires; éjaculation retardée, difficile même après une érection normale; éjaculation baveuse, type d’expulsion du sperme coulante au lieu de jets saccadés; éjaculation rétrograde, au cours de laquelle le sperme, au lieu de sortir normalement par le méat urétral situé à l’extrémité de la verge, prend un chemin rétrograde et est renvoyé en arrière vers la vessie; éjaculation sans spermatozoïdes. Réjaculation, « émission ou expulsion de sperme » est un mot inventé par Georges-Louis Leclerc de Buffon dans son Histoire naturelle des animaux en 1888 : « […] la mule est au moins aussi ardente que l’ânesse : or l’on sait que celle-ci rejette la liqueur séminale du mâle, et que pour la faire retenir et produire, il faut lui donner des coups ou lui jeter de l’eau sur la croupe, afin de calmer les convulsions d’amour qui subsistent après l’accouplement, et qui sont la cause de cette réjaculation. » Éjaculateur, trice et éjaculatoire forment les autres dérivés.
Devoir
Éjaculation peut aussi désigner une création intellectuelle, une production qui a généralement une certaine force qui se manifeste violemment : éjaculation cérébrale. Et, au pluriel, des propos courts généralement insultants ou vulgaires. À quel autre domaine, le mot s’est-il appliqué ?
- La religion.
- La cosmographie.
- L’aéronautique.
- La primatologie.
Réponse
Dans le domaine religieux, au 17e siècle, les oraisons jaculatoires étaient des prières brèves prononcées avec ferveur. Éjaculations a revêtu le même sens : pousser des éjaculations. « Les prédicateurs se relayent, décrivant l’agonie du pécheur, sa mort, (…) avec des cris et des éjaculations, (…) pendant qu’autour d’eux les auditeurs crient hosanna! » (Hippolyte-Adolphe Taine, Notes sur Paris. Vie et opinions de M. Frédéric Thomas Graindorge recueillies et publiées par H. Taine, son exécuteur testamentaire, 1867). Aujourd’hui, cette valeur est sortie d’usage.