La liste de mes envies

« Y a du plaisir sous la couverture », professent les libidineux et les bibliothécaires.

La liste de mes envies est un joli roman qui trône fièrement dans ma bibliothèque, des fois que l’un de mes enfants, porté sur le vice ou la lecture, aurait l’idée un jour d’en ouvrir les pages.

C’est l’histoire, comprends-tu, de Jocelyne Guerbette, mariée à Jocelyn Guerbette. Femme de 45 ans qui gagne modestement sa vie comme mercière à Arras en France, une ville grosse comme Saint-Jérôme au Québec. Un jour, elle gagne 18 millions d’euros à la loto. Sauf que la dame aime sa vie telle qu’elle est, ce qui inclut sa petite maison, sa petite job, ses enfants et son petit mari. Elle hésite donc à encaisser le chèque qu’elle cache dans une pantoufle et dresse chaque jour la liste de ses envies, ce qu’elle pourrait se payer avec cet argent. Malheur! Son mari, qui a échappé du ciment à joints sur ses pantoufles en faisant quelques travaux, trouve le chèque. Avec le nom qu’il porte, il n’a pas de mal à l’échanger et à s’enfuir en Belgique, s’arrêtant à Knokke-le-Zoute, le Saint-Tropez belge, laissant, en plan, femme et enfants. Voici quelques passages que j’ai aimés.

(Pour décrire sa fille, Nadine, pas très portée sur la conversation)

Jamais dit: maman, fais-moi réciter mon poème, ma leçon, mes tables de multiplication. Elle gardait les mots en elle comme s’ils étaient rares. Nous conjuguions le silence elle et moi: regards, gestes, soupirs en lieu et place de sujets, verbes, compléments.

(Quand une journaliste vient dire à Jocelyne tout le bien que son blog dixdoigtsdor, spécialisé sur le tricot, la couture et la broderie a pu faire à sa mère)

Ma mère (celle de la journaliste) vit seule depuis plus de dix ans. Elle se lève à six heures. Elle se prépare un café. Elle arrose ses plantes. Elle écoute les nouvelles à la radio. Elle boit son café. Elle fait un brin de toilette. À sept heures, sa journée est finie… Depuis (qu’elle consulte dixdoigtsdor), elle a retrouvé la joie de vivre.

(Dans les bras de son mari; c’est juste avant qu’il ne se sauve avec le chèque de 18 M d’euros, comme s’il s’excusait par avance de sa fourberie)

Nous fîmes l’amour très doucement cette nuit-là. Était-ce parce que nous ne l’avions plus fait depuis longtemps, qu’il lui fallut du temps

pour réapprendre la géographie du désir, réapprivoiser ses brutalités d’homme?

(Un an plus tard, quand Jocelyne finit par se remettre de la fuite de son mari)

Il y a des malheurs si lourds qu’on est obligé de les laisser partir.

Ça finit que son mari, en détresse, se tue et lui restitue une bonne partie de son argent. Elle achète une maison à Villefranche-sur-Mer et s’y installe avec son nouvel amoureux et son père qui souffre d’une maladie de dégénérescence; sa mémoire ne fonctionne que par tranches de 6 minutes. Pas grave, elle lui invente toutes les six minutes une vie nouvelle: médecin, chercheur suédois émérite, chevalier de la Légion d’honneur, prix Nobel, ténor fabuleux, ou tout simplement papa formidable. Et son père et elle sont heureux.

Y a des gens comme ça qui ont le bonheur facile.

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