Le génie de la lampe

Il était une fois, à Saint-Alphonse-Rodriguez dans Lanaudière au Québec, un ado que ses parents avaient prénommé Aladin. Aladin Beauchemin. Car ils avaient vu et beaucoup aimé le film de Walt Disney au cinéma tiré du conte Le génie de la lampe.

Aladin préférait que ses amis l’appellent Al. Un jour, après l’école, Al se rendit au dépanneur Chez Marilyn et s’acheta un Peace Tea à la framboise. Il raffolait de cette boisson au thé combiné à diverses saveurs : citron, limonade, fruisquet, pêches, mangues, bleuets, cerises.

Après s’être désaltéré, il prit la route de la maison, coupant par le bois où il avait déjà fait la rencontre d’un orignal désinvolte. Une bête immense, haute comme un cheval, avec un panache si imposant qu’il avait craint d’être chargé et écorné par lui. Il avait même failli pisser dans ses culottes. Un pantalon taille basse, si basse qu’il lui descendait à mi-cuisses; son père le narguant en disant que c’était comme s’il avait chié dedans. Mais non, Al n’avait ni pissé ni chié dans son pantalon ce jour-là. L’orignal, plutôt pacifique, s’était contenté de mâchouiller des feuilles de tremble en le toisant de sa haute stature.

Presqu’au même endroit où s’était produit cette rencontre, Al se buta sur un objet qui le fit trébucher. Une vieille lampe à moitié enfouie dans le sol. Il la sortit et la frotta pour la nettoyer. Soudain une imposante créature bleue apparut, avec des yeux comme des flammes. Il était plus grand qu’un orignal géant, immense comme les dragons de la série The Game of Thrones.

Le génie se racla la gorge puis sa voix fit trembler les arbres de la forêt. « Je suis le génie de la lampe : fais un vœu, un seul, et je l’exaucerai. » Al, aphone, pissa dans ses culottes. Le génie répéta. « Je n’ai pas toute la journée, fais ce vœu et je l’exaucerai. » Alors Al, subjugué, la voix éteinte, demanda au génie un Peace Tea aux bleuets.

Le génie mit du temps à comprendre le souhait de ce nouveau maître. Il connaissait plusieurs variétés de thé et d’infusions agréables à boire en Perse mais pas celle-ci. Il s’éclaircit la voix : « Et où trouve-t-on cette boisson? » « Au dépanneur Chez Marilyn », bredouilla Al. Le génie disparut en un instant et revint en un éclair. « Voici ton thé ». Puis il se dissipa dans la lampe.

Al retrouva ses esprits. Il prit la lampe en prenant bien soin de ne pas la frotter. Il la mit dans son sac à dos et courut jusque chez lui. « Maman, papa, vite, venez voir », cria-t-il. Ses parents accoururent avec sa sœur Badroulboudour, prénommée ainsi parce c’était la fille du sultan dans le film de Walt Disney. Mais elle préférait qu’on l’appelle Bad comme dans la chanson de Michael Jackson.

Al sortit alors la lampe de son sac et demanda à son père de la frotter. Le génie réapparut et se cogna la tête au plafond de la cuisine. « Je suis le génie de la lampe, parle et je t’obéirai. » « Je voudrais 100 millions de dollars, US » dit le père d’Al sans hésitation. « Désolé maître, reprit le génie, je ne puis exaucer qu’un seul vœu, celui que m’a soumis ton fils. Puis-je t’offrir un Peace Tea aux bleuets? »