Valse-hésitation

Roman d’Angela Huth publié en anglais en 1970 et traduit en français quarante-huit ans plus tard, en 2018. C’est l’histoire, comprends-tu, de Clare, jolie femme, la trentaine, qui n’arrive pas à trouver l’homme de sa vie. Mariée mais séparée de Jonathan (son deuxième mari), un bon parti mais qui lui tape sur les nerfs par son extrême prévenance. Sitôt leur séparation « pour réfléchir à leur couple », elle est séduite par Joshua, un célibataire désinvolte qui aime bien avoir une femme « interchangeable » dans son lit. Une autre histoire, me dis-je, qui va certainement mal finir pour elle.

Première impression après quelques pages: on dirait le roman écrit par une vieille dame. C’est le cas. L’auteure est née à Londres en 1938. Impression qui se confirme une centaine de pages plus tard quand je lis que Clare, après quelques mois de fréquentations avec Joshua, fait une fausse couche. Or il n’est écrit nulle part qu’ils ont accompli l’acte de chair ensemble. Porte-t-elle pour dormir un pyjama en flanelle (on comprendrait que non) ou une tenue affriolante (qui laisserait supposer que oui)? Aucune description non plus de cris déchirants dans la nuit, de grognements sourds ou d’odeurs de stupre derrière des portes closes. De tremblements d’assiettes dans les armoires, de livres qui tombent des bibliothèques ou d’un lit qui se déplace en grinçant sur le plancher de bois franc.

En voici tout de même des petits bouts:

(Première rencontre de Clare et Joshua)
« Je le conduisis dans le salon. il y régnait une odeur de pièce inhabitée… la chaleur du vin se propagea en moi comme un incendie. »

(Visite au domicile de Mrs Fox, une dame âgée dont elle vient de faire la connaissance)
« La porte d’entrée fut ouverte par une grosse dame flasque (la logeuse) dont la peau avait la consistance des ris de veau. Lorsque je réclamai Mrs Fox, elle hissa ses seins lourds et pendants sur un de ses bras, avant de renforcer ce soutien avec l’autre. » (On voit que l’auteure maîtrise son sujet)

(Mrs Fox discourant sur la vie avec Clare)
« Non, mieux vaut avoir un amant quand on est jeune qu’une névrose quand on est vieille. »
« Edith (la soeur de Mrs Fox) et ma mère me surveillaient de près: c’est à peine si elles me laissaient nourrir des pensées intimes. »

(Le passage le plus osé du roman, Clare décrivant ses premiers ébats d’épouse avec Richard, son premier mari)
« Durant les quinze jours de pluie dans un cottage du Dorset que fut notre lune de miel, nous rattrapâmes mes dix-neuf ans de virginité. Toutes les nuits, dans le noir, parmi des draps qui demeuraient humides même quand ils étaient chauds. Brutalement, gauchement. Sans plaisir. Douloureusement. Sa bouche mouillée m’embrassait les tempes, jamais la bouche. Il frottait ses longs pieds froids le long de mes jambes pour les réchauffer. Il se balançait avec des bruits horribles, tenant mes oreilles comme si c’étaient des poignées. » (On peut donc présumer que Clare a maintenant de grandes oreilles à force d’avoir été tirées)

(Mrs Fox racontant la mort de son mari)
« Une crise cardiaque et ‑ elle claqua des doigts ‑ il s’est éteint comme une lampe. »

(Clare, en vacances avec Jonathan, son deuxième mari)
« Encouragé, il laissa deux doigts remonter vers mon sein comme un enfant imitant une araignée.
« Je t’aime, dit-il. Est-ce que tu sais combien je t’aime? Je t’aime, je t’aime, je t’aime. » Est-ce que tu m’aimes?
– Oui. (Menteuse)
– À quel point?
– Je ne sais pas. Comment veux-tu que je mesure? (Y m’énarve)
– Est-ce que tu as besoin de moi?
– Je suppose. (Fatigaaaaant)
– Est-ce que tu as envie de moi?
– Je suppose. » (Pantoute)

(Joshua le désinvolte met un terme à sa relation avec Clare)
« Je ne suis pas assez fiable, je suis trop cruel sans le faire exprès. Je ne pourrais que te rendre malheureuse. Il se mit à jouer avec mes doigts, des doigts brûlants et insensibles au bout d’un bras comme anesthésié. »

De dépit, Clare pense retourner avec son mari mais Jonathan s’est engagé avec une Américaine rencontrée en Italie durant leur séparation. Alors que fait une jolie femme de trente ans avec de grandes oreilles larguée par deux ex-maris et un amant?
« Je me mis à courir. D’une façon ou d’une autre, il me fallait dégoter une fanfare. »

Une fanfare? J’ai mis du temps à comprendre que l’auteure, à la fin du roman, ne veut pas décrire, par pudeur, ce que Clare fera avec les instrumentistes ou les instruments. Des choses, sans doute, trop immorales pour être racontées.

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