Full sentimental

Sentir vient du latin classique sentire « percevoir par les sens, par l’intelligence », « connaître par l’intuition ».

Dérivé du verbe, sentiment désigne le fait de sentir, d’éprouver : sentiment d’infériorité. Il développe des acceptions liées au domaine affectif avec ses émotions, ses sensations et ses passions, une tendance assez stable et durable à propos de l’inclination d’une personne pour une autre, avec ses bases que sont l’instinct, la pulsion, le désir, les ébranlements corporels : éprouver des sentiments, sentiment amoureux; puis « rancune, animosité » : ressentiment.

L’adjectif sentimental est calqué sur l’anglais sentimental. Il dénote une certaine élévation des sentiments, s’applique à l’amour : vie sentimentale; aux êtres sensibles, tendres et rêveurs : personne sentimentale. Il peut exprimer une affectivité un peu mièvre ou artificielle : romance sentimentale.

La mièvrerie s’efface devant le jeu subtil des reprises dans les vers suivants extraits d’un poème fixé dans les mémoires. À cinquante ans, son narrateur y raconte l’amour qu’il porte à sa femme.

C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main;
Car, vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.
(Edmond About, Le Roman d’un brave homme, 1874)

 

Devoir 

Les expressions liberté de presse, hors-la-loi, machine à vapeur, lune de miel et prendre en considération ont quelque chose en commun mais quoi donc? That is the question.

Réponse

Ce sont toutes des expressions d’origine anglaise mais qui ont été traduites au moment de la Révolution française. Ils forment donc avec d’autres emprunts tels influencer, libéraliser, utiliser, les premiers anglicismes intégrés à la langue française il y a plus de deux cents ans et qui se trouvent aujourd’hui totalement naturalisés. Il est tout de même assez déconcertant de constater que la Révolution a marqué les débuts de la première véritable anglomanie chez les Français.

Sentimental est-il vraiment un anglicisme? Les mots anglais sentiment et son dérivé sentimental sont issus, au 14e siècle, du français sentiment, réfection de l’ancien français sentement. Sentimental s’est répandu en France à la suite de la traduction parue en 1769 du roman de Laurence Sterne A Sentimental Journey Through France and Italy. Le traducteur de l’ouvrage, J.-P. Fresnais, affirme ainsi la « nouveauté » de l’adjectif en français au milieu du 18e siècle : « Le mot anglais sentimental n’a pu se rendre en français par aucune expression qui pût y répondre et on l’a laissé subsister. Peut-être trouvera-t-on en lisant qu’il méritoit de passer dans notre langue. » Cet anglicisme, difficile à déceler parce qu’il date de plus de 200 ans, n’a pour ainsi dire gardé aucune trace de son origine britannique dans la langue française. Aujourd’hui, il est senti comme un simple dérivé français de sentiment.