Premier roman de Jean-Paul Sartre publié en 1938. Qui figure, en 1950, dans la liste du Grand prix des Meilleurs romans du demi-siècle. Allez savoir pourquoi.
C’est l’histoire, comprends-tu, d’Antoine Roquentin, la trentaine, qui rédige un ouvrage sur le marquis de Rollebon, un aristocrate du 18e siècle. Mais, ses recherches avançant, il trouve le marquis de plus en plus drabe, source, sans doute, de sa première nausée, et écrit son journal au lieu de rédiger son essai. Journal rempli d’observations sur la société embourgeoisée de Bouville, petite ville où se passe l’action.
De grands bouts plates donc mais quelques jolis passages aussi:
(Quand Antoine se force à continuer ses recherches sur le marquis)
« Ne pas oublier que M. de Rollebon représente, à l’heure qu’il est, la seule justification de mon existence. »
(Se regardant dans le miroir)
« Il y a quand même une chose qui me fait plaisir à voir, au-dessus des molles régions des joues, au-dessus du front: c’est cette belle flamme rouge qui dore mon crâne, ce sont mes cheveux. »
(Décrivant le temps qu’il fait)
« Le ciel était d’un bleu pâle: quelques fumées, quelques aigrettes; de temps à autre un nuage à la dérive passait devant le soleil. »
(Puis les gens le dimanche, leur seule journée de congé)
« … je crus lire un peu de tristesse: mais non, ces gens n’étaient pas tristes, ni gais: ils se reposaient. Leurs yeux grands ouverts et fixes reflétaient passivement la mer et le ciel. Tout à l’heure, ils allaient rentrer, ils boiraient une tasse de thé, en famille, sur la table de la salle à manger. Pour l’instant, ils voulaient vivre avec le moins de frais, économiser les gestes, les paroles, les pensées. faire la planche. »
(Puis une jeune dame)
« Une jeune femme, appuyée des deux mains à la balustrade, leva vers le ciel sa face bleue, barrée de noir par le fard des lèvres. »
(Puis une grosse femme)
« Une grosse dame vient s’asseoir à ma droite. Elle posa son chapeau de feutre à côté d’elle. Son nez était planté dans son visage comme un couteau dans une pomme. »
(Puis le Dr Rogé, un médecin qui lui semble mourant attablé dans un café)
« Il suffit qu’il se soit regardé dans une glace: il ressemble chaque jour un peu plus au cadavre qu’il sera. »
(Dans un jardin public)
« Un arbre gratte la terre sous mes pieds d’un ongle noir. »
(Racontant sa relation avec Anny, celle qui fut son amoureuse)
« … quand j’allais la voir pour vingt-quatre heures, elle s’ingéniait à multiplier les malentendus entre nous, jusqu’à ce qu’il ne restât plus que soixante minutes, exactement, avant mon départ; soixante minutes, juste le temps qu’il faut pour qu’on sente passer les secondes une à une. »
« Elle avait une magie impérieuse et charmante; elle chantonnait entre ses dents en regardant de tous les côtés, puis elle se redressait en souriant, venait me secouer par les épaules, et, pendant quelques instants, semblait donner des ordres aux objets qui l’entouraient. »
« Tant que nous nous sommes aimés, nous n’avons pas permis que le plus infime de nos instants, la plus légère de nos peines se détachât de nous et restât en arrière. »
« Jadis, quand je revoyais Anny, fût-ce après une absence de vingt-quatre heures, fût-ce le matin au réveil, jamais je ne savais trouver les mots qu’elle attendait, ceux qui convenaient à sa robe, au temps, aux dernières paroles que nous avions prononcées la veille. »
« Tu sais (c’est Anny qui parle à Antoine), tu n’as rien de particulièrement réjouissant pour les yeux. J’ai besoin que tu existes et que tu ne changes pas. » (quand ils renouent après trois ans de séparation et qu’elle le quitte le lendemain de leurs retrouvailles)
(Un passage philosophique que je cherche encore à comprendre)
« La conscience existe comme un arbre, comme un brin d’herbe. Elle somnole, elle s’ennuie. De petites existences fugitives la peuplent comme des oiseaux dans les branches. »
Serait-ce un clin d’oeil à l’existentialisme, courant auquel adhère Sartre? Fouille-moi. Chose certaine, j’avoue que je n’ai pas tout compris du roman. Comme je suis loin de tout comprendre de l’existence.