Purge

Il arrive parfois dans la vie qu’un gars se présente en librairie avec l’envie soudaine de découvrir l’oeuvre d’un auteur finlandais… traduite en français. C’est comme ça que je suis tombé sur Purge de Sofi Oksanen, née de mère estonienne et de père finlandais.

C’est l’histoire, comprends-tu, de la rencontre de Zara, qui fuit des mafieux russes qui l’obligent à se prostituer, et d’Aliide qui a vécu bien des violences et des humiliations depuis la Seconde Guerre mondiale alors que l’Estonie a tour à tour été conquise et dominée par l’URSS, par l’Allemagne d’Hitler, puis de nouveau par la Russie. En voici des petits bouts que j’ai annotés dans le texte. Vous aurez compris que, depuis des années, je lis un crayon à la main.

(Quand Zara, 17 ans, qui a fui les mafieux russes, arrive chez Aliide, bien amochée)
La fille passait en revue les membres de son corps, peut-être qu’elle les comptait.

(Quand Aliide lui sert un bol de soupe remplie de biscuits Soda, j’extrapole, sans savoir quelle langue elle parle)
« Faim? Tu as faim? » Apparemment, la fille n’avait pas compris la question, ou alors on ne lui en avait jamais posé de pareille.

(Aliide, qui se rappelle son passé, après son viol par l’occupant russe alors qu’elle avait le même âge que Zara)
Aliide voulut courir, ses jambes ne la portaient pas, elle remonta (le talus où on l’avait jetée) en rampant, à quatre pattes, en grimpant, elle chancela, vacilla, flageola et tituba, mais vers l’avant, chaque mouvement vers l’avant.

(Quand Aliide croise d’autres femmes qui ont reçu le même traitement qu’elle)
À chaque main tremblante, elle devinait: celle-là aussi. À chaque sursaut que provoquait le cri d’un soldat russe ou à chaque tressaillement causé par le bruit des bottes. Celle-là aussi? Toutes celles qui ne pouvaient pas s’empêcher de changer de trottoir dès qu’elles croisaient des miliciens ou des soldats. Toutes celles dont on apercevait, à la taille de leur blouse, qu’elles portaient plusieurs paires de culottes. Toutes celles qui n’étaient pas capables de regarder droit dans les yeux.

(Après que Linda, la fille de sa soeur Ingel, en fut elle aussi victime des années plus tard. Une deuxième génération de femmes violées.)
Dans la cuisine, Ingel bavardait et riait pour deux, afin que Hans (son mari) ne remarque pas le silence de Linda.

(Après l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl qui se situe tout près de l’Estonie où réside Aliide)
… d’étranges flocons, bizarrement scintillants, qui remplissaient les cours et que les enfants essayaient d’attraper et dont les petites filles voulaient décorer leurs cheveux, mais les flocons disparaissaient, comme plus tard, les cheveux sur la tête des enfants.

La fin de l’histoire? Les deux mafieux russes, Pacha et Lavrenti, deux armoires à glace, retournent à quelques reprises visiter la maison d’Aliide se doutant que Zara s’y cache, ce qui est le cas. Un moment donné, Aliide, une vieille dame chétive, se tanne. Elle leur sert à souper et, après le dessert, de savoureux kringels, ces petites brioches traditionnelles de pâte tressée recouverte d’un nappage de Nutella, elle les flingue tous les deux avec le pistolet qui appartenait à Hans, le mari de sa soeur, qu’elle avait conservé depuis la fin de la guerre dans son tiroir à ustensiles. Toujours utile de garder une arme à feu parmi les accessoires de cuisine.

Ce faisant, Zara sortira de sa cachette car elle n’aura plus peur et Aliide réglera ses comptes avec le passé.

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