Flocons d’écume

« Les événements ne sont que l’écume des choses » (Paul Valéry, 1871-1945). Écume, d’abord escume au 12e siècle, vient du germanique ancien scûm, « mousse, savon » devenu Schaum en allemand moderne. On trouve des équivalents dans le scandinave skûm, et le gaélique sgûm. Le français l’adopte par l’intermédiaire du latin populaire scuma qui emprunte le mot et le produit aux Germains agissant comme mercenaires dans les armées de Rome. Sa forme actuelle est attestée au 17e siècle. Le nom désigne la mousse blanchâtre, chargée ou non d’impuretés, qui se forme à la surface des…

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Clins d’oeil 21-25

L’expression arabe samt ar-raʾs signifie « chemin au-dessus de la tête ». Les traducteurs du Moyen Âge confondent le /m/ de samt avec le /ni/ latin; le mot devient zenit, zenith puis zénith. En astronomie, il revêt le sens de « point imaginaire du ciel situé directement à la verticale d’un observateur » et, au figuré, « apogée »,«  point culminant d’une évolution, d’une action. » Le français adoptera plusieurs autres mots pris à l’arabe, directement ou par l’intermédiaire d’autres langues, tels amiral « émir de la mer », azimut, carafe, chiffre, harem « ce qui est défendu », hasard, jupe,…

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Passez au salon

« Poisson rouge : animal de compagnie qui, par rapport au chat, présente l’avantage de moins s’acharner sur les rideaux du salon » (Marc Escavrol). Salon, au 17e siècle, est pris à l’italien salone « grande salle ». En français, dans un lieu privé, le mot désigne la pièce où l’on reçoit les visiteurs, les amis et où l’on se réunit en famille : passer au salon, recevoir au salon, salon spacieux, salon élégant, salon confortable. Ce qui est approprié à l’aménagement de la pièce : mobilier de salon, composé d’un canapé, de fauteuils ou d’autres sièges assortis,…

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Porté sur la bagatelle

«  En effet, plus je refléchis sur les differens interêts de la societé, plus il me semble que l’amusement, le plaisir, la bagatelle sont des parties essentielles de l’utilité publique, (…), ces riens qui réjoüissent l’imagination au dépens même de l’esprit, qui dissipent l’ennui, ne me paroissent nullement des riens méprisables, parce que nous sommes autant faits pour être réjoüis que pour raisonner. » (Claude-Guillaume Bourdon de Sigrais, Histoire des rats, pour servir à l’histoire universelle, 1738). Au 16e siècle, la langue française s’enrichit de centaines de nouveaux mots, empruntés, pour beaucoup…

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Fenêtre d’opportunité

« Comment diable un homme peut-il se réjouir d’être réveillé à 6h30 du matin par une alarme, bondir hors de son lit, avaler sans plaisir une tartine, chier, pisser, se brosser les dents et les cheveux, se débattre dans le trafic pour trouver une place, où essentiellement il produit du fric pour quelqu’un d’autre, qui en plus lui demande d’être reconnaissant pour cette opportunité ? » (Charles Bukowski, 1920-1994). La racine indoeuropéenne por- exprime l’idée de « passage », présente dans le latin opportunus, proprement « qui pousse vers le port ». Épithète appliquée par les…

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Clins d’oeil 16-20

Au Mali, on nomme sentimentales les souliers en cuir à bout pointu qu’un galant portera pour révéler, sinon sa sentimentalité, du moins une forme de coquetterie intéressée pour éblouir la femme qu’il convoite. Au rendez-vous suivant, chacun portera une tenue et des chaussures moins élégantes, plus dénudées, davantage adaptées au climat du pays : nu-pieds, tapettes, éponges, pet-pets et babis. En 1893, le français emprunte à l’italien le singulier spaghetto, diminutif de spago « ficelle », puis adopte son pluriel spaghetti en 1923. Vers 1975, époque où le cinéma italien crée une spécialité…

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Devant l’éternel

« L’éternité c’est long, surtout vers la fin. » (Woody Allen). Éternel, d’abord eternal, vient du latin chrétien aeternalis « qui est hors du temps, sans commencement ni fin », dérivé du latin classique aeternus, formé lui-même sur la forme archaïque aeviternus « qui dure toute la vie », opposé à mortalis. Sa graphie actuelle est attestée depuis le 13e siècle. En français, l’adjectif s’attache d’abord à ce qui tient à la nature de Dieu : Père éternel, devant l’Éternel, Royaume éternel. À l’existence perpétuelle après la mort, conception métaphysique pour ses disciples : salut éternel, repos éternel, vie…

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Mordre la poussière

« Poussière aux pieds vaut mieux que poussière aux fesses » (proverbe peul, peuple de l’Afrique). Poussière est la réfection de posiere, possere, formes en usage dans les dialectes régionaux de Lorraine, Hainaut, Wallonie et Franche-Comté avant le 16e siècle. Le mot dérive de l’ancien français pous issu, par évolution phonétique, du latin populaire pulvus, altération du latin classique pulvis « poussière » et « poudre ». En français, il décrit la terre desséchée réduite à l’état de particules extrêmement ténues et légères, qui se maintiennent en suspension dans l’air ou qui se déposent sous forme d’une…

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Le Code Québec, 10 ans plus tard

J’ai lu Le Code Québec en 2016, année de sa publication aux Éditions de l’Homme. Une enquête menée par Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel sous l’égide de la firme de sondages Léger, qui voulait brosser un portrait des Québécois, ce peuple majoritairement issu d’une culture française, vivant dans une société anglaise avec un mode de vie américain. Il y a un mois, j’ai retiré l’ouvrage de ma bibliothèque et l’ai déposé sur mon bureau. Puis j’ai relu les passages que j’avais annotés dans le texte il y a…

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Appel au calme

« Cherche un arbre et laisse-lui t’apprendre le calme. » (Eckhart Tolle). Calme vient du grec kaûma  « chaleur brûlante », d’où « calme de la mer par temps très chaud »; au 15e siècle, le mot est apparenté à l’espagnol, le catalan, l’italien et le portugais calma. En français, s’agissant d’un terme maritime, il exprime l’absence de vent qui rend la surface de l’eau plate et immobile : calme plat. L’absence de vent dans l’atmosphère à certains moments de l’année : calme blanc. « Autour de l’Islande, il fait cette sorte de temps rare que les matelots appellent le…

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Clins d’oeil 11-15

« Enfin, après deux semaines de pluie, le temps s’ébeausit.  » S’ébeausir, « se mettre au beau », verbe immédiatement compréhensible, est disparu des dictionnaires. Ainsi va le français qui se renouvelle sans cesse, des mots nouveaux apparaissant chaque jour, pour des vies longues ou brèves. Certains, devenus inactuels ou désignant des réalités disparues, « s’effacent », « succombent », « trépassent. ». Comme accointance, baguenauder, bavarderie, bluette, chagrinement, difficultueux, folâtrer, friponnerie, intempérance, joyeuseté, liquescence, malignité, navrance, outrecuidance, pantouflerie, rarescent, savanterie, tantinet, tendreté, touffeur. Grève vient de grava « sable grossier », mot repris par le latin mais d’une langue parlée…

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Tout simple

« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. » (Jacques Rouxel, 1931-2004). Simple vient, au 12e siècle, du latin simplex, littéralement « plié une fois », qui signifie « formé d’un seul élément », « seul », « isolé », et, au figuré, « pur, ingénu, naturel. » D’une racine indoeuropéenne sem- désignant l’unité et exprimant l’identité. Valeurs reprises et élargies en français. En parlant d’une personne ou de son comportement, il décrit quelqu’un qui agit avec droiture, honnêteté naturelle : homme simple, caractère simple, gestes simples. Qui manifeste peu de culture, de finesse ou de subtilité, qui se laisse facilement tromper : simple…

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Marge d’erreur

« L’homme est-il une erreur de Dieu ou Dieu une erreur de l’homme? » (Friedrich Nietzsche, 1844-1900). Erreur vient du latin error « tromperie », dérivé du verbe errare au sens figuré d’ « errer, se méprendre ». L’anglais, le provençal, le catalan et l’espagnol conservent la forme latine; l’italien adopte errore. En français du siècle romantique, par référence à errer, il signifie aller sans direction précise : « Au bord du lac, ils viennent en cadence. Entrelacer les erreurs de leur danse. Et prolonger d’invisibles concerts. » (Élie Paul François Fé de Barqueville, extrait du poème La Belle au…

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À fleur de peau

« Seule la peau sépare l’amour de l’amitié. C’est mince. » (Éric Emmanuel Schmitt). Peau, au 12e siècle, est d’abord orthographié pel au singulier, pels, peals, peaus au pluriel. Du latin populaire pellis « peau d’animal », « fourrure », « cuir », « parchemin », qui supplante le latin classique cutis, étymon qui formera cutané. En français, le mot désigne la membrane résistante, étanche, lavable, élastique qui recouvre le corps des humains et des animaux. Formée du derme en profondeur, richement innervé et vascularisé. Et de l’épiderme en surface, qui joue un rôle de protection des organes et des tissus…

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Clins d’oeil 6-10

Au Moyen âge, damoiseau désigne un gentilhomme qui n’est pas encore chevalier, puis, par ironie, un jeune homme empressé et galant, surtout envers les damoiselles, forme archaïque de demoiselle, jeune fille de noble condition, puis, de nos jours, jeune femme célibataire. Garçon qualifie un jeune homme de basse condition et, depuis la Renaissance, un employé subalterne, généralement dans l’hôtellerie. Son féminin garce est pratiquement sorti d’usage au sens de « jeune fille », ne revêtant aujourd’hui que la valeur de femme de mauvaise vie ou désagréable. Désamour s’est employé du 13e au 17esiècles…

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Guide de voyage

« Je respons ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sçay bien ce que je fuis, mais non pas ce que je cerche. » (Montaigne, Essais, 1580) La marche à pied, la charrette, l’auto, la gare et plus tard l’aéroport, constituent, pour les nomades sédentarisés de force, des plates-formes pour se rendre ailleurs, le voyage conduisant à la découverte du monde en passant par la découverte de soi. Le mot vient du latin viaticum, « ce qui sert à faire la route », dérivé de via « voie, chemin. » En…

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Route de la soie

« Elle m’a apporté d’autres french toasts […]. D’autre café. Elle m’a appelé dear. S’est inquiétée de mon bonheur, de ma santé, de ma sécurité (Sois prudent sur la route), et elle m’a dit de revenir… Une vraie waitress. Une perle. Une soie. » (Pierre Foglia, La Presse, 23 juin 1989). L’ouverture pré-trumpiste des routes de la soie,  depuis des millénaires, l’une terrestre traversant l’Asie centrale, l’autre maritime contournant l’Inde, marque le rayonnement culturel de l’Orient et l’expansion des échanges commerciaux avec l’Occident mais aussi la transmission de la pensée et de…

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Hit-parade

« La délation est l’une des choses les plus répandues dans l’humanité. Moins tout de même que la bêtise, en tête du hit-parade. » (Michel Rigaud, dit Paul-Jean Hérault, 1934-2020). Hit-parade vient de l’anglais hit « succès » et parade « défilé ». Attesté en français depuis 1937, le mot composé, bien que vieilli prématurément, désigne le palmarès des meilleurs succès de vente dans le domaine musical, particulièrement des disques, utilisé pour mesurer la popularité des chansons et des albums : hit-parade de Françoise Hardy. Puis, par extension, le classement des films, spectacles, ouvrages littéraires par ordre…

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Clins d’oeil 1-5

Au 11e siècle, affubler signifie « couvrir quelqu’un d’un vêtement de dessus » puis, au 16e siècle, « habiller de façon bizarre » et, au figuré, « pourvoir d’une caractéristique loufoque », son sens actuel. Qualification qui rend aussitôt cette personne intéressante : affubler sa fille de vêtements criards, affubler son garçon d’un sobriquet rigolo. La mère elle-même s’étant affublée de grosses lunettes à monture d’écaille. Verbe singulier qui remplace avantageusement munir, équiper, pourvoir et doter dans une conversation à bâtons rompus ! Les aventures d’Astérix. Quarante albums publiés depuis 1959, traduits en 107 langues, vendus à 365 millions…

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Le secret est dans la sauce

« Un cannibale est un homme qui aime son prochain avec de la sauce. » (Jean Rigaux, 1909-1991). Sauce au 13e siècle, d’abord salce, saulce, saulse et sausse, vient du latin salsa « chose salée ». Le provençal, l’espagnol et l’italien conservent la forme latine. Le mot s’emploie d’abord pour « eau de mer », sens sorti d’usage lorsque sa valeur dominante s’affirme. « Composition culinaire fluide et souvent émulsionnée, salée, épicée ou aromatisée, destinée à accompagner un mets. »: sauce à pauvre homme, au 17e siècle sauce froide à base d’eau, de ciboule et de sel, sauce tomates, synonyme…

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Lever le coude

« Le coude appuyé sur la table. Le menton dodelinant dans sa main au bout de son bras. Fragile équilibre qui se maintient toute la matinée. Puis, juste avant l’heure de la pause, la tête de l’homme se décroche de la paume et vient frapper lourdement le bureau. Risques du métier, me direz-vous, mais une fois encore un fonctionnaire s’est tué au travail. » (Source : Les Nuls, 1987-1992). Coude, d’abord sous les formes cute, cote et code, vient, au 14e siècle, du latin cubitus « pliure du bras » et « mesure de longueur », qui, en…

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Marée basse aux Îles

Marée basse aux Îles. Roman d’une auteure québécoise, Andrée-Anne G. Dufour, publié en 2024. Maison d’édition : Les Éditeurs réunis. Que j’ai acheté sur un coup de tête, comme d’habitude, parce que j’aimais le titre. Je fais pareil pour les bouteilles de vin. C’est l’histoire, comprends-tu, de Sammy Roberge, une fille de 26 ans, que deux malheurs accablent en même temps. D’abord, au moment même où elle devait partir avec son chum des trois dernières années visiter l’Europe, il la plaque et prend l’avion avec une autre. Ce qui ruine ses…

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Retour aux sources

« Pour remonter à la source, il faut nager à contre-courant. » (Stanislaw Jerzy Lec, 1909-1966). Source s’écrit d’abord sorse et surse au 12e siècle; substantivé d’après l’ancien participe passé sors ou sours du verbe sourdre de même sens que son étymon latin surgere « surgir ». Le latin classique fons, fontis fournira quant à lui fontaine. Le mot décrit dès le départ l’eau qui « sourd » du sol et, par métonymie, le lieu où cette eau jaillit : source claire, source fraîche, eau de source, source minérale, dont l’eau contient des sels minéraux en proportion importante…

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Ordre de grandeur

« Moi je dors dans mon lit et mon petit frère dans le sien. Maman et papa dorment ensemble parce qu’ils sont de la même grandeur. » (Mot d’enfant). Grand, grande vient du latin grandis « grand », « avancé en âge » et, appliqué au style, « sublime, imposant ». L’adjectif rivalise avec magnus « grand », qui produira magnifique, magnificence, magnanimité. En français, il est usuel dans la langue parlée dès le 9e siècle, son sens étant d’abord d’ordre qualitatif : grand honest « grande honorabilité. » Il revêt ensuite les autres valeurs de son étymon, « qui dépasse la moyenne », « qui a…

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Arrêt sur image

« Je photographie pour conserver l’éphémère, fixer le hasard, garder en image ce qui va disparaître : gestes, attitudes, objets qui sont des témoignages de notre passage. » (Sabine Weiss, 1924-2021). Selon les Anciens, pour situer les jeunes, c’était il y a très longtemps, bien avant la création de Mario Kart World, les images seraient nées de la « disette des langues », qui, à leur commencement, étaient trop pauvres pour tout exprimer. De nos jours, l’image, dans le discours, constitue une arme de séduction mais contribue aussi à la clarté de la pensée. Le…

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Conférence au sommet

« Il leva les yeux vers la girouette plantée au sommet du clocher. Je rêve, dit-il, ou ce coq a pondu une église? » (Éric Chevillard). Sommet, d’abord sumet et somet, est le diminutif, au 12e siècle, du provençal som « point le plus élevé », issu du latin classique summum « le plus haut » et, au figuré, « le plus parfait ». En français, le mot désigne le point culminant, la partie la plus élevée, la plus extrême d’une chose considérée dans sa verticalité: sommet d’un arbre ou cime, sommet d’un mât, sommet d’une tour. Spécialement, à…

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Coups de dé

Alea jacta est, citation latine attribuée à Jules César. Il l’aurait prononcée en traversant avec son armée le Rubicon, petit fleuve à la frontière entre la Gaule cisalpine et l’Italie, acte qui déclenchait une guerre civile à Rome. En français, l’expression devient « le sort en est jeté » ou « les dés sont jetés » et se dit d’une résolution audacieuse sur laquelle, quoi qu’il arrive, on ne reviendra pas. Dé, le terme de jeu, vient du latin dare « jeter »,  par référence à datum, « ce qui est jeté sur la table. » Il décrit…

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Lieu de débauche

« Voici dont la mélodie, vénéneuse et bouffonne, de la chair exhibée, offerte, captée. L’indécence des corps tordus, défaits, cambrés, remodelés, traversés. L’illumination de la fièvre, de la débauche, du débordement. » (Guy Scarpetta). Débaucher, d’abord desbauchier, dérive du français du 12e siècle bauc, bauch « poutre »; bauche ayant le sens de « maison » mais aussi de « lieu de travail, atelier ». Outre le sens de « dégrossir du bois » pour en faire des poutres et construire des bâtisses, le verbe signifie « disperser, éparpiller (des gens) », se desbaucher équivalant à « se disperser. » Au 15e siècle, par spécialisation, il prend…

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Langage des fleurs

« Papillon, ce billet doux plié cherche une adresse de fleur. » (Jules Renard, 1864-1910). Leurs jardins sont aussi anciens que les carrés de légumes. Et dans toutes les régions du monde, sa culture dépasse toute finalité pratique et économique, se chargeant plutôt de revêtir des valeurs symboliques liées à sa forme, sa couleur, son parfum : la fleur. Le mot vient du latin florem, accusatif de flos, floris « fleur » et, par analogie, « partie la meilleure de quelque chose », la fleur étant la sommité de la tige. Le français reprend les sens du…

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Crème de champignons

« Les champignons poussent dans les endroits humides. C’est pourquoi ils ont la forme d’un parapluie. » (Alphonse Allais, 1854-1905). Remarquable par son aspect singulier, par l’absence de chlorophylle, de tiges, de feuilles, de racines, de vaisseaux, de fleurs, de graines et de fruits, le champignon a toujours été perçu comme un végétal à part dans le monde de la flore. Le mot vient du latin populaire campaniolus, littéralement « produit de la campagne » qui, en gallo-roman, supplante fungus « champignon », le représentant du latin classique. Il adopte sa forme actuelle au 14e siècle par…

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Sophie, avec mes meilleurs sentiments

Madeleine-Sophie Arnould, actrice et cantatrice du 18e siècle, reconnue par la finesse de son jeu et l’agrément de sa voix, s’est aussi rendue célèbre par ses bons mots et son sens de la répartie. « Le meilleur moyen de soutenir l’opéra, c’est d’allonger les ballets et de raccourcir les jupes. » « Quand on a passé les deux tiers de sa vie au grand jour, il est sage de passer le reste à l’ombre. » « Les coquettes sont de vraies girouettes, elles ne se fixent que quand elles sont rouillées. » « L’amant qui ne dépense qu’en…

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Murmures

Murmures d’Alexandre Charbonneau-Robichaud, un auteur qui est aussi mon fils. Un thriller psychologique d’horreur, de mystère et de paranormal publié en 2024, moi qui n’aime que les histoires pas trop compliquées qui finissent bien. Mais la couverture du livre était jolie. Une jeune femme en robe noire dans un cimetière. Je l’ai acheté en me disant : « Dans quoi est-ce que je viens de m’embarquer? » C’est l’histoire, comprends-tu, de Léo, 24 ans, qui vient de terminer ses études à l’université pour devenir enseignant. Il se trouve un appartement, pas cher, face…

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En beau tabarnak

« Barreau de chaise de sac à papier de sirop de calmant de sainte bénite à poil. » Jurons que mon père, Roméo Robichaud (1925-2003) enfilait souvent à la maison, restitués grâce à ma sœur, Louise, qui a bonne mémoire de ces choses. Partout dans le monde, à toutes les époques et dans toutes les langues, on jure ou on insulte. En Nouvelle-France, colonie française d’Amérique du Nord (1608-1760) tout comme dans la métropole, jurer consiste à invoquer le nom de Dieu en blasphémant : sacredieu, mort Dieu, ventre Dieu, nom de Dieu,…

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Pelote de laine

« Ces vieux matelas en laine, une fois qu’ils sont creusés au centre… Il faut choisir : camper chacun sur la bordure ou sombrer ensemble dans la fosse commune. » (Didier Van Cauwelaert). Laine vient du latin lana de même sens, mot formé sur welna, élargissement de la racine indoeuropéenne wel- « arracher ». Ce qui atteste son utilisation très ancienne, l’homme du néolithique ayant appris à tirer parti de la toison des bêtes lanifères en leur arrachant des touffes de poils à la main. Méthode douloureuse pour les animaux qui ont souffert jusqu’à l’invention…

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Têtes de lama

« L’esprit, c’est comme un parachute. Ça marche mieux quand c’est ouvert. » (Dalaï-Lama le quatorzième). Lama, l’animal, vient du quichua llama. Mot de la langue des Quechuas, peuple dépositaire de la civilisation inca précolombienne qui s’étendait, à son apogée, sur la partie occidentale de l’Amérique du Sud, le long de l’océan Pacifique et à cheval sur la cordillère des Andes. Il passe au français par l’intermédiaire de l’espagnol llama avec différentes adaptations : glama, lhama, lahma. Acclimaté par les relations de voyage des premiers touristes, qui ont cours au 17e siècle, sa forme…

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Goût de pacanes

« Le gibier de toutes especes y est des plus communs [à Kaskacias]. A une lieu du bourg sont les prairies ou l’on va tuer du bœuf sauvage, chevreuil et ours que les chasseurs aportent sur des chevaux. Le bois raporte toutes sortes de fruits sauvage, comme plaquemine, jasmines, prunes, paquanne, et raisains en abondance dont on en fait du vin assés bon et en quantité. » (Journal de Vaugine de Nuisement, commandant de fort en Louisiane française, 1765). Les peuples algonquiens habitaient l’Amérique du Nord avant l’extinction des derniers mammouths il…

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Amalgame complexe

« Tout être humain est un amalgame complexe formé de l’enseignement reçu, des événements vécus et des prédispositions génétiques particulières à son clan, sa famille, son pays, leurs traditions et leurs ancêtres. » (Alice Parizeau, 1930-1990). Amalgame vient du latin des alchimistes amalgama formé, au 15e siècle, sur l’arabe ’amal al-djama’a, « œuvre de l’union charnelle », proche d’al modjam’a, « consommation du mariage », par analogie avec l’alliage du mercure et d’un autre métal. Du français, plusieurs langues européennes adoptent des correspondants proches : l’anglais, le bosniaque, le croate, le danois, l’islandais, le norvégien, le roumain, le…

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Échec et mat

« Un joueur d’échecs c’est comme de la peinture, s’il n’est pas brillant il est mat. » (Philippe Geluck). Échec adopte d’abord les formes eskec, eschac et eschec sous l’influence du francique skâk « butin ». Son sens primitif d’interjection s’applique au jeu inventé en Inde au 6e siècle : l’avertissement par suite d’une manœuvre d’un joueur avisant son adversaire que son roi est en danger immédiat de capture. Les Arabes le répandent en Europe au 11e siècle où il devient la distraction favorite des chevaliers et de la noblesse chrétienne. Au pluriel, le mot désigne le…

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Ruée vers l’or

« Quand la merde vaudra de l’or, le cul des pauvres ne leur appartiendra plus. » (Henry Miller, 1891-1980). Chair du soleil pour les Égyptiens, sueur du soleil pour les Incas : l’or. Le mot vient du latin aurum ce qui explique que son symbole chimique soit Au. Dans cette langue, il prend le sens de « métal précieux de couleur jaune », en particulier « objet, monnaie de ce métal », et, au figuré, « richesse ». Valeurs retenues en français dès ses premières attestations au 9e siècle. Pour décrire le métal précieux, jaune brillant, mou, très dense, très…

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Quelle plaie!

« Que la perle naisse d’une plaie prompte à se protéger, et que brille la nacre pour cacher la purulence, voilà l’angélique présent de la nature. » (Robert Mallet, Apostille ou l’amour et le futile, 1972). Le mot plaie vient du latin plaga « coup » et, par métonymie, « blessure qui en résulte ». Au 11e siècle, le français reprend le sens usuel de « blessure », spécialement « blessure ouverte », l’ouverture dans les chairs, dans les tissus par brûlure, coupure, déchirure, écorchure, morsure, contusion, taillade ou tout autre traumatisme : plaie béante, plaie infectée, plaie tuméfiée, panser une plaie,…

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Crier au loup

« Le jour où l’homme cessera d’être un loup pour l’homme, il n’y aura plus de famine, de taudis ni de guerre, plus d’enfants sans amour, de vieillards sans foyer, tous ceux qui vivront auront le droit de vivre. » (Raoul Follereau, 1903-1977). Loup est un mot fondamental de l’indoeuropéen, vocabulaire reconstruit considéré comme l’origine unique des langues indo-européennes actuelles. La racine wĺ̥kʷos formera l’anglais wolf, le néerlandais wolf, l’allemand Wolf, le polonais wilk, le slovène wolk. La racine lukʷos formera le latin lupus, étymon duquel dérivent l’espagnol lobo, l’italien lupo, le…

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Samedi 8 mars

Au Moyen Âge, l’empereur germanique Conrad III assiège le château de Weinsberg tenu par le duc Welf VI dans le Sud de l’Allemagne. Après la capitulation de son ennemi juré qui s’est défendu avec acharnement, le monarque ordonne l’exécution de tous les hommes du château mais accorde sa grâce aux femmes, leur permettant même de partir avec leur bien le plus cher sur le dos. Dans une remarquable démonstration d’ingéniosité et d’attachement matrimonial, elles choisissent de porter leur époux pour leur sauver la vie. Berné mais ému, le roi tient parole et…

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Don d’orgasme

« Le X, c’est le seul métier où l’on peut avoir un orgasme sur son lieu de travail. » (Ovidie, star du X, 1999-2003). Durant l’acte sexuel, le corps subit plusieurs réactions. Les pupilles se dilatent, les vaisseaux se contractent, la température augmente, le cœur s’emballe, la pression artérielle crève le plafond. La respiration s’accélère, devient haletante, le cerveau envoie des impulsions électriques dans tous les sens qui se butent aux parois du crâne et des sécrétions jaillissent de toutes les glandes. Les muscles se tendent et se crispent comme si on…

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Partie de quilles

« Nous aimons la musique des quilles, le choc sourd de la boule sur les pommes, sa façon de tourner (…) et cette manière raide et stupéfaite qu’ont les quilles de s’abattre sur le sol ou de se renverser entre elles. » (Joseph de Pesquidoux, Chez nous : Travaux et Jeux rustiques, 1923). En Égypte, 5000 ans av. J.-C., on s’adonne déjà à un jeu similaire qui consiste à faire tomber des colonnettes au moyen d’une boule lancée à la main. Au 13e siècle, le mot lui-même, quille, est formé d’après le vieil allemand…

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Notes de musique

« La musique est un formidable langage qui peut circuler sans être traduit. » (Jane Birkin, 1946-2023). De l’abîme primordial, le Tout-Puissant sortit le souffle, le murmure et le cri, énonçant ainsi sa volonté d’offrir une essence vibratile et rythmique à ce monde qu’il allait créer. Il commença par les bruits du vent, de la mer et les échos des créatures de la terre. Puis il donna une voix aux humains et leur façonna des mains pour qu’ils puissent jouer d’un instrument de musique. Musique vient, au 12e siècle, du latin musica, lui-même…

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Pâte à modeler

« S’il y a un plat universel, ce n’est pas le hamburger mais bien la pizza, parce qu’elle se limite à une base commune – la pâte – sur laquelle chacun peut disposer, agencer et exprimer sa différence. » (Jacques Attali). Le mot pâte est issu, au 12e siècle, du latin tardif pasta « farine détrempée et pétrie », lui-même emprunté au grec pasta « mets constitué à partir d’un mélange de céréales et de fromage ». En français, il s’écrit d’abord paste. Au singulier, il décrit une préparation alimentaire plus ou moins consistante à base de…

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Saga

Saga. Roman de Tonino Benacquista publié chez Gallimard en1997. Le troisième que je lis de cet auteur, après Quelqu’un d’autre, mon préféré, sorti en 2002 et Homo erectus paru en 2011. C’est l’histoire, comprends-tu, de quatre scénaristes au chômage qu’une chaîne de télévision privée engage pour écrire un feuilleton afin de répondre aux impératifs de création française, imposés par les pouvoirs publics. Il s’agit de Louis, un has-been qui a longtemps travaillé avec un grand maître italien du cinéma; Jérôme, un fan de science-fiction nécessiteux qui rêve de conquérir Hollywood;…

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Crampe en masse

« La timidité est une contraction de la sensibilité, une crampe de l’esprit. » (Henri de Régnier, Donc, 1927). Cranpe vers 1100, puis crampe vers 1250, vient du francique krampa « courbé ». Le mot évoque « ce qui accroche » dans la langue des Francs dont les royaumes se succèdent ou cohabitent en Europe de l’Ouest au cours du 5e siècle après la conquête et l’occupation de ces territoires, au moment du déclin de l’Empire romain d’Occident. Il désigne une contraction musculaire soudaine et douloureuse, survenant souvent au niveau des jambes et des pieds : avoir une…

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Festival du film

« La durée d’un film devrait être directement liée à la capacité de la vessie humaine. » (Alfred Hitchcock, 1899-1980). Film vient de l’anglais du 11e siècle film « membrane » qui se rattache à la racine indoeuropéenne pel « envelopper ». En anglais, le mot signifie « feuille très mince », puis « couche de gélatine étendue sur la plaque ou le papier », d’où vers 1880, « pellicule pour la photographie ». Le français reprend ce dernier sens de « bande pelliculaire de celluloïd ou de nitrocellulose, recouverte d’une émulsion photosensible, sur laquelle on enregistre des vues à l’aide d’un appareil cinématographique » :…

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Régime minceur

« Chéri, je commence la cure minceur, il faut que tu m’encourages. » « Vas-y ma grosse! » Mince vient du latin minutiare « réduire, affiner », dérivé de minutus « petit, menu ». Déverbal, fin 11e siècle, de l’ancien verbe mincer « couper en petits morceaux », d’usage surtout culinaire, qui s’est effacé au 16e siècle au profit d’émincer. L’adjectif s’oppose à épais : mince comme pelure d’oignon. Et à large : mince rayon du jour. Il qualifie une personne aux formes étroites lui donnant une impression de finesse : femme mince. Depuis le 19e siècle, il s’applique comme exclamation d’étonnement, de surprise, souvent employée…

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