Plante carnivore

« La société est une fleur carnivore. » (Slogan du mouvement de contestation Mai 68 en France). La composition savante est un mode de formation qui consiste à combiner des éléments grecs ou latins pour créer une nouvelle unité lexicale en français; ces composés, contrairement aux préfixes et aux suffixes, n’étant accolés ni à un radical ni à un mot déjà présent dans la langue. Ainsi ophtalmologie, qui désigne une branche de la médecine se consacrant à l’étude de l’œil, résulte de deux éléments joints du grec ancien : ophtalmos « œil » et logos…

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Donne la patte

« Dans mes heures les plus sombres, quand je cherchais une main tendue pour me relever, j’ai trouvé une patte. » (Source : Facebook, avril 2024). Patte, à l’origine, est une onomatopée formée sur le radical patt- qui évoque le bruit de deux objets qui se heurtent. Au 13e siècle, le mot élimine le vieux français poe, de même sens, issu du préceltique pauta en usage à l’Âge de fer, soit chez les peuples vivant vers 800 à 700 avant J.‑C. en Europe de l’Ouest. Chez l’animal, il désigne chacun des membres ou appendices…

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Les jeux de l’abandon

Après Vignettes africaines, roman paru en 2021, Marie-Claude Hansenne en raconte la suite dans Les jeux de l’abandon, récit publié en 2023 par sa fille Vanessa Quintal et Martin Lebarbé. À titre posthume puisque Marie-Claude, très malade, est décédée en août 2022, quelques mois après avoir terminé son manuscrit. C’est encore l’histoire comprends-tu, de Mathilde, alter ego de Marie-Claude. Son enfance en Belgique après avoir quitté l’Afrique. Chez sa grand-mère Margot où elle vivra aussi ses années d’adolescente. En voici des petits bouts. (Premier abandon : Sa mère et son père,…

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Banque de sperme

« Si un jour, tu te sens inutile et déprimé, souviens-toi : un jour, tu étais le spermatozoïde le plus rapide de tous. » (Coluche, 1944-1986). Sperme, d’abord esperme au 13e siècle, vient du bas latin sperma « semence », lui-même pris au grec sperma, spermatos, dérivé de speirein « semer »; verbe qui se rattache à la racine indoeuropéenne spher- « éparpiller ». Le mot désigne le liquide opaque, blanchâtre et visqueux formé par les sécrétions des différentes glandes génitales mâles : donneur de sperme. Au 14e siècle la locution sortie d’usage faire sperme signifie « éjaculer ». « Prends garde d’abîmer ton intelligence…

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Célébration de la beauté

« Quand on vieillit, la beauté se réfugie à l’intérieur. » Beau ou bel, comme adjectif et substantif, vient du latin bellus qui, dans cette langue, a surtout qualifié des femmes et des enfants avec la valeur de « mignon, joli, charmant, adorable. » La parenté étymologique entre les notions de « beau », « bon » et « bien », sensible en latin, continue d’éclairer la structure sémantique du mot dès les premiers textes en français, au 9e siècle, pour exprimer une appréciation positive à dominance esthétique : beau visage, beau sourire, belle femme, beau paysage, belle maison. En parlant du…

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Autopsie d’une femme plate

Avis aux locuteurs du français standard : Au Québec, « femme plate » signifie « femme ennuyeuse ». Autopsie d’une femme plate est un roman de Marie-Renée Lavoie publié en 2017. La version que j’ai lue est celle qui a été rééditée en 2020. C’est l’histoire, comprends-tu, de Diane Delaunais, quarante-huit ans, que son mari largue pour une femme plus jeune, la veille de leur 25e anniversaire de mariage. Une histoire banale? Pas quand elle est racontée par Marie-Renée Lavoie. Avec sa vivacité d’esprit, son sens de l’observation, son humour et son aptitude à traduire en…

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Tout est dans tout

« Tout est dans tout et vice versa » (Alphonse Allais, 1854-1905). Tout, d’abord noté tot, est issu du bas latin tottus, altération du latin classique totus, qui s’employait en considérant les objets dans leur extension, avec le sens d’« entier, intégral ». En français, il sert d’adjectif, d’adverbe, de nom et de pronom; emplois attestés pour la majorité avant la fin du 13e siècle. Comme adjectif indéfini, sous les formes tout, toute, tous et toutes, il marque l’idée d’intégralité d’un espace, au propre ou au figuré, d’un volume, d’une durée, d’un processus, d’une collection,…

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En signe d’amitié

« L’amitié est comme un livre. Il y a les amis qui partagent seulement une page de notre vie; d’autres qui nous accompagnent durant tout un chapitre; et il y a ceux qui nous soutiennent du début jusqu’à la fin de l’histoire. » (Source : Éric Légaré, Facebook, mars 2024). Ami, orthographié d’abord amics, amicz et amic au 10e siècle, vient du latin amicus comme l’italien amico, l’espagnol et le portugais amigo. L’étymon revêt les deux sens de « proche, intime » et « amant, maîtresse »; valeurs conservées en français. Lorsque l’attachement est de nature affective sans…

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Sens de l’humour

« Et quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux, c’est l’humour » (Doris Lussier, dit le Père Gédéon, 1918-1993). Plus des deux tiers du vocabulaire anglais vient du français ou du latin. Ainsi l’anglais humour est-il pris à l’ancien français humeur, issu du latin humor « liquide »; humeurs désignant initialement les fluides corporels, puis une « disposition à l’irritation. » Au 17e siècle, l’anglais lui confère une valeur opposée, celle de « disposition à la gaieté. » Évolution sémantique que le français se réapproprie sous l’impulsion des penseurs du siècle des…

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Marge de profit

« Le poisson ne voit pas l’hameçon, il ne voit que l’appât; l’homme ne voit pas le péril, il ne voit que le profit » (proverbe mandchou). Profit, orthographié prufit au 12e siècle, vient, par évolution phonétique, du latin profectus, « avancement, progrès », d’où « « succès » et, en médecine, « amélioration ». Le mot passe au français avec le sens général d’avantage d’ordre matériel, intellectuel ou moral qu’une personne ou une collectivité peut tirer de quelque chose : source de profit, part de profit. Valeurs perçues dans diverses expressions : faire du profit, « être d’un usage économique, de…

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Les îles de Mdzouani

Premier roman que je lis d’un auteur comorien, Abdillah Abdallah; les Comores étant un pays de l’Afrique australe formé d’îles situées dans l’océan Indien, entre le littoral nord du Mozambique et la pointe nord de Madagascar. Pour ceux qui souhaiteraient s’y rendre et visiter les plantations de vanilliers et les cultures de ylang-ylang, cet arbre à l’inflorescence superbe et à la fragrance exceptionnelle. C’est Martin Lebarbé, éditeur au cœur tendre et collègue de longue date, qui l’a publié en 2023 et m’en a fait cadeau. C’est l’histoire, comprends-tu, d’un enfant…

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Pratique du sport

C’est au 19e siècle que le français emprunte sport à l’anglais sport, aphérèse de disport, « passe-temps, récréation » et « jeu », l’anglais l’ayant lui-même pris au français du 12e siècle desport, variante de deport, « divertissement ». Le mot est d’abord lié à la notion de « pari ». Puis, il désigne toute activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l’effort, dont la maîtrise suppose un entraînement et le respect de certaines règles, codes et valeurs : club de sport, terrain de sport. Au singulier ou au pluriel, la forme spécifique que prend…

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À vol d’oiseau

Oiseau, d’abord oisel au 11e siècle,  vient du bas latin aucellus, forme syncopée de avicellus, diminutif du latin classique avis. Étymon qui appartient à la racine indoeuropéenne aw-, représentée également dans l’arménien haw « oiseau », le grec aietos « aigle » et le védique véh, langue du Véda, livre sacré des Hindous. Le mot désigne un animal ovipare à sang chaud, au corps couvert de plumes, dont les membres antérieurs sont des ailes et les membres postérieurs des pattes, la tête étant munie d’un bec corné dépourvu de dents, et qui est, en général,…

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Toujours vivant

Le verbe vivre vient du latin vivere, « être en vie », « durer, subsister », « se nourrir de »; il est relevé en français dès le 10e siècle. Son participe présent vivant s’emploie aussi comme adjectif. Pour exprimer ce qui est doué pour la vie et qui se manifeste de manière perceptible : « Une alouette chante en battant des ailes et remuant les pattes sans changer de place dans l’atmosphère. Je vois cette charmante petite chose vivante qui vibre sans se déplacer en face de moi, comme si elle becquetait la lumière. » (Henri Bordeaux, Les derniers…

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Esprit d’équipe

Équiper est issu du germanique ancien skip « bateau », devenu Schiff en allemand moderne et ship en anglais. Au 12e siècle, il parvient au français par une forme normando-picarde eschiper « embarquer », puis « pourvoir un navire du nécessaire à la navigation » et, au 16e siècle, « fournir le matériel nécessaire en vue d’une activité particulière. » Équipe décrit un groupe de personnes réunies pour accomplir ensemble une activité commune : travail d’équipe; avec un complément désignant le métier de leurs membres : équipe de chercheurs, équipe d’ouvriers, équipe de monteurs. Avec un complément, substantif ou adjectif, désignant leur…

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Bain de sang

Sang, aussi sanc au 10e siècle, vient du latin sanguis « sang qui coule dans le corps », par opposition à cruor « sang répandu hors du corps » qui formera cruel et cruauté. Le mot désigne le liquide organique rouge cheminant par les artères et les veines du corps humain et dans celui de nombreux animaux et qui y entretient la vie : prise de sang, don de sang, banque de sang, caillot de sang, sang menstruel, cracher du sang, pisser le sang. Ce qui est opposé à l’esprit : de chair et de sang. Sa…

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Cogner des clous

Clou vient du latin clavus « cheville » de bois, puis de fer. Le mot passe au français au 11e siècle avec le sens de « petite pièce métallique effilée, généralement pourvue d’une tête et utilisée dans les métiers du bâtiment pour fixer, décorer » : clou de bronze, clou à tête ouvragée, clou de fer à cheval, clou à tête plate, clou à soulier. Par extension en médecine, il désigne une tige de métal, pointue à une extrémité, utilisée pour maintenir les fragments osseux dans certaines fractures. Par comparaison, une personne d’allure famélique :…

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Chambre à coucher

Coucher est l’aboutissement du vieux français colcer au 11e siècle, du latin collocare « disposer », puis « placer horizontalement », d’où « mettre au lit ». Le verbe apparaît à la forme pronominale, se colcer, « partager le lit de quelqu’un » mais sans connotation sexuelle; celle-ci se développant à partir du 16e siècle sous forme de nombreuses expressions grivoises : frotter son lard, tirer un coup, manger de la chair crue, dauber des fesses, remuer le gigot, jouer à cul contre pointe, danser sur le ventre, jouer au trou madame, faire des galipettes, s’envoyer en l’air. Le déverbal couche…

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Peau de chagrin

Le mot chagrin est unique en ce sens qu’il possède deux étymons. Le premier, pris au turc sağrı « croupe d’un animal », se révèle d’abord sous les formes sagrin au 16e et chagrain au 17e siècle. En peausserie, Il désigne un cuir grenu, soit abondant en grains et couvert de petites aspérités arrondies, préparé avec la peau de la croupe du mulet, de l’âne, de la chèvre ou du cheval et traditionnellement utilisé en reliure, dans la couverture des livres : peau de sagrin. Puis peau de chagrin, locution décrivant familièrement une peau rêche :…

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Dans ses pantoufles

Pantoufle devrait son nom à un saint Pantouffle qui aurait vécu au 15e siècle. Hypothèse fantaisiste non avérée mais qui démontre que des farceurs sévissaient déjà au Moyen Âge. Ou qu’ils évoquaient alors, par figure, le confort et la douceur que procurent les pantoufles à des pieds fatigués, l’espérance d’une vie douillette et paisible, se délectant de boissons chaudes et relaxantes comme l’anis, la menthe, le tilleul, la camomille et la verveine. À administrer, au lieu de médicaments, aux enfants turbulents. L’origine de ce mot rassurant est probablement l’Occitanie; le phonème…

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La blague du siècle

La journée « J’achète un livre québécois », le 12 août, était passée depuis longtemps quand je suis entré à la Librairie Raffin. Pas grave, je me suis tout de suite dirigé vers la section « Littérature québécoise ». J’ai vu la tête du bonhomme de neige sur la page-couverture du livre. Une bouille sympathique. Qui contrastait avec le titre plutôt banal du roman, « La blague du siècle », d’un auteur, pas humoriste, que je ne connaissais pas. J’ai acheté le livre à cause du bonhomme de neige. Dès les…

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Gros mots

Gros vient, au 1er siècle, du latin impérial grossus « gros, épais », puis « rude, grossier » en latin chrétien, altération phonétique de crassus « gras »; la voyelle /o/ évoquant mieux la grosseur que le /a/. Comme adjectif, il désigne, comme son féminin grosse, ce qui dépasse la mesure considérée comme moyenne, normale, par le volume ou ses dimensions. En parlant d’une personne corpulente : gros bébé, gros monsieur, grosse femme. En particulier, d’une partie du corps : gros nez, gros ventre, gros yeux, par figure, grosse tête, personnage important ou influent, avoir le cœur gros, avoir…

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M’enfin

L’adverbe enfin, orthographié aussi anfin, s’écrit d’abord en deux mots, en, fin au 12e siècle, par comparaison avec la locution latine in fine, francisée, qui s’utilise parfois avec un sens identique en français. Synonyme de à la fin, finalement, pour terminer, il s’emploie avec une valeur temporelle. Pour indiquer que l’action se déroule après un long espace de temps, après une longue attente : « Après s’être empêtrés à plusieurs reprises dans les roulières boueuses et d’avoir poussé sur la voiture dans le but d’alléger la charge de Grattan, Elwin et Mary arrivèrent…

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