Formage de berbis

En linguistique, la métathèse désigne le phénomène de déplacement de voyelles, de consonnes ou de syllabes à l’intérieur d’un mot. Ainsi, fromage, issu du latin formaticus, à côté de la forme attendue formage attestée en 1180, provient d’une interversion qui a détaché le mot de son origine. Au figuré, l’expression se retirer dans un fromage se dit d’une « situation de tout repos », d’après le sens que lui a donné Jean de La Fontaine dans la fable Le rat qui s’est retiré du monde. Dans l’argot des théâtres, le mot désigne…

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Du blabla

L’onomatopée blabla, avec ou sans trait d’union, est attestée à l’écrit en 1945; blablabla, en 1947. Mais il est certain que les deux formes sont usitées antérieurement à l’oral. Le mot évoque le mouvement des lèvres qui remuent en continu, se rapprochant du radical bab- de babine. Un rapport avec le verbe blaguer « tenir des propos ridicules, en l’air », n’est pas exclu. Il s’emploie familièrement à propos de paroles creuses destinées à masquer le vide de la pensée de son auteur. De même sens, l’anglais blah-blah ou sous ses formes…

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Salade grecque

La longévité de la langue grecque est surprenante puisque plus de trente-cinq siècles séparent le mycénien, sa forme la plus ancienne remontant au 2e millénaire avant J.-C., du grec moderne. L’influence de cette langue sur le français est indirecte lorsqu’il s’agit des innombrables mots grecs à l’origine empruntés par le latin et francisés ensuite par cette voie : humanité, bibliothèque, chronique, conscience, écho. Les emprunts directs débutent à la Renaissance. Le grec sert alors à former des mots savants dont plusieurs sont passés depuis dans le langage usuel : symptôme, thérapie, hygiène. Certains…

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Opérations de commando

Le portugais comando désigne une petite troupe exécutant des expéditions parmi les populations indigènes. L’afrikaans le reprend à son compte sous la forme kommando pour décrire une unité tactique d’une centaine d’hommes de l’armée boer d’Afrique du Sud en lutte contre la Grande-Bretagne (1899-1902). L’anglais commando préserve ce sens et y ajoute celui de « petite troupe de militaires entraînés en vue d’une mission précise et difficile. » Le français emprunte le mot à l’anglais au début du 20e siècle et conserve la graphie commando. Il présente d’abord la valeur de « groupe…

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Effet bœuf

Le mot bœuf est hérité du latin bos, bovis, terme générique qui englobe le mâle et sa femelle, la vache, ainsi que le veau. En français, il s’écrit buef au 12e siècle, beuf au 15e avant d’adopter sa graphie actuelle vers 1534, année marquant l’arrivée de quelques spécimens, de Jacques Cartier et des premiers Français en terre du Canada. Il désigne un genre, le mammifère ruminant de la famille des bovidés, qui comprend notamment le taureau, le buffle, le yack et le bison. Dont la domestication remonte au 7e millénaire…

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Offre de service

Service est issu de servus « esclave », du latin classique servitium, « esclavage ». Dans le latin ecclésiastique, il désigne l’obligation de servir Dieu et les activités qui en résultent : service funèbre. Avec la même valeur d’obligation, le mot s’emploie en parlant de l’ensemble des devoirs envers une collectivité : service public; et rappelle la fonction de ceux qui servent l’État : service militaire, chef de service. Parallèlement, il désigne une activité particulière que l’on doit accomplir auprès d’une personne, les obligations de la personne qui sert un maître, un employeur : être de service. Il…

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Pogné dans le trafic

Le verbe pogner est une déformation de poigner, un archaïsme signifiant « saisir, prendre, attraper ». Il est issu de poing, du latin pugnus, « main fermée ». La dérivation est assez riche : poigne, sa variante pogne, « à la force du poing », poignée, poignet, empoigner, empoigne, empoignade, empoignant, pognon. Affectionné des Québécois et considéré comme un québécisme, pogner s’entend dans les situations langagières les plus familières, exprimant des idées de rapidité, de précipitation et d’insistance que l’on peut regrouper par grandes catégories de sens : « attraper avec la main », pogner une balle; « surprendre », se…

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Passage à vide

Vide est la réfection des graphies anciennes voide, « terre en friche », vuit et vuide, du latin populaire vocitus, variante du latin classique vacuus, « vide », « libre de » et « vacant ». Le mot apparait sous sa forme moderne au 14e siècle. Toutefois, l’Académie française ne l’officialise que dans l’édition 1762 de son dictionnaire. Comme adjectif, il définit ce qui ne contient rien de concret, ce qui est dépourvu de son contenu : appartement vide, rue vide « déserte », avoir le ventre vide, « être affamé ». Au figuré, ce qui n’est pas occupé par une activité :…

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Le tout pour le tout

Tout est issu du bas latin tottus, altération du latin classique totus qui a donné todo en espagnol et en portugais. Il s’utilise en considérant les objets dans leur extension avec le sens d’ « entier, intégral ». Les emplois qui ont donné lieu à des locutions sont attestés surtout aux 16e et 17e siècles. Le tout signifie « toutes les choses en question » et « ce qui est essentiel ». L’expression risquer le tout pour le tout est d’abord employée dans le langage du jeu. Les expressions usuelles après tout, du tout au tout, c’est tout dire,…

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Partir en balade

Le mot ballade, avec double /l/, est issu de l’ancien provençal ballada « pièce vocale et instrumentale destinée à la danse, petit poème chanté ». Après le 12e siècle, il décrit successivement un poème lyrique chorégraphié, chanté ou récité; un poème à forme fixe composé d’au moins trois couplets et d’un refrain : la Ballade des pendus de François Villon; un poème narratif relatant une tradition historique ou épique, populaire chez les Anglo-Saxons; une composition musicale d’inspiration littéraire : ballades de Chopin; et, enfin, au 20e siècle, grâce à Gérard Lenorman et quelques autres…

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Démailloté

Le mot maillot provient, par changement de suffixe, de l’ancien français maillol « pièce de toile, bande de linge enveloppant le corps des nouveau-nés », dérivé de maille. La forme Maillol a survécu comme nom propre. Le sens métonymique d’« enfant nouveau-né » a décliné après l’abandon de cette technique pour langer les enfants mais, en France, on continue de dire être au maillot, « être dans la petite enfance ». Par analogie avec le sens premier d’« étoffe serrant le corps », il désigne un vêtement souple et moulant qui se porte sur la peau, que ce…

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Temps d’arrêt

Le verbe arrêter vient du latin populaire arrestare formé, au 11e siècle, sur le latin classique restare, « être immobile », « rester ». En français, il développe divers sens : « cesser d’avancer », « prendre fin, en parlant d’un tournoi », « empêcher de bouger », « confisquer des biens », « capturer », « suspendre une activité, un processus. » Le déverbal arrêt, orthographié d’abord arrest puis arest, constitue son principal dérivé. Il désigne l’action d’interrompre une situation, l’état qui en résulte : arrêt de travail, arrêt du cœur, arrêt pipi. Le point où doivent s’arrêter les voitures et les véhicules de transport en commun : arrêt…

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Yo -mane!

L’élément formant -mane est tiré des mots grecs mania et mainesthai qui désignent un état de folie, de fureur et de passion souvent employé en parlant des guerriers, d’hommes ivres ou mis hors d’eux par la divinité. Manie, dans l’usage ancien, signifiait « fureur, démence », supplanté par folie dans l’usage courant. En psychiatrie, il reste un terme clinique désignant un syndrome mental caractérisé par divers troubles de l’humeur. Au 17e siècle, il prend le sens de « passion excessive pour quelque chose ». Un maniaque est un fou, égaré, passionné jusqu’à la déraison,…

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Vive les vacances

Le mot vacance dérive de vacant « absent, oisif », du latin vacare, « être vide » d’où « être libre » et, à contresens, « avoir du temps pour », vaquer. Au singulier, il évoque l’état d’une charge inoccupée, d’un poste sans titulaire et, en politique, une situation où les organes institutionnels cessent de fonctionner : vacance de succession, vacance du pouvoir. Au pluriel, vacances décrit le temps consacré à des occupations saisonnières pour se distraire, se reposer et ne pas « bronzer idiot » : grandes vacances; le repos de l’adulte échappant au bureau ou au chantier : vacances annuelles, vacances…

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Mode gothique

Gothique, du bas latin gothicus, est issu de Gut-thiuda en langue des Goths, qui forme au 4e siècle, avec celle des Burgondes et des Vandales, le rameau du germanique occidental. Le gothique, remplacé aujourd’hui par sa variante graphique gotique, a laissé des traces dans la Romania parce qu’elle est la seule langue germanique ancienne dont on possède un témoignage écrit. Parmi les 76 étymons dont certains ont été transmis en gallo-roman par l’intermédiaire du latin populaire, 24 ont encore des représentants en français moderne, tels choisir du gotique kausjan, fange du gotique fani,…

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Boucher un coin

Le mot coin vient du latin cuneus, « triangle rentrant », « objet servant à fendre le bois ou à serrer des assemblages ». En français, il conserve ce sens d’outil en fer ou en bois très dur de forme prismatique triangulaire pour fendre les matériaux et serrer les objets : coin du bûcheron, enfoncer un coin, par métaphore, « séparer »; et celui copié sur le latin médiéval d’empreinte gravée en creux servant à frapper les pièces et les médailles : monnaie à fleur de coin. Il désigne un angle rentrant ou…

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Tout ouïe

Ouïr, l’un des plus vieux mots français, apparaît au 11e siècle sous la forme oïr. Il est issu du latin audire, « entendre », d’où « prêter l’oreille à » et « écouter ». La conjugaison de ce verbe présentant le double inconvénient de la brièveté à certaines formes et de l’irrégularité, il est peu à peu supplanté par entendre. Au 16e siècle, il est encore utilisé à l’indicatif présent, à l’imparfait et au passé simple. Au 17e siècle, seuls sont usités l’infinitif et le participe ouï, avec lequel on peut former des temps composés. De nos jours, ouïr…

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Tout un cartable

Le suffixe –able est issu du latin –abilis. Formant d’innombrables adjectifs à partir de verbes transitifs directs exprimant une possibilité passive : applicable, détachable, identifiable, maniable, négligeable. Certains dérivés impliquant plutôt l’idée d’obligation que celle de possibilité : admirable, irrémédiable. Le suffixe forme aussi des adjectifs à partir de verbes intransitifs ayant une tournure active : délectable, fermentable, périssable, serviable, variable. Et, par extension, des dérivés servant à qualifier le lieu où l’action est susceptible de se dérouler : route carrossable, piste cyclable, voie navigable, chemin praticable, domaine skiable. Plus rarement, le suffixe forme des…

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Tire la chevillette et la bobinette cherra

Chevillette est un mot qui a d’abord été utilisé au sens anatomique de « petite cheville », puis en charpenterie. Bobinette, attesté pour la première fois en 1696 dans le conte de Perreault Le Petit Chaperon rouge, désigne la petite pièce de bois mobile maintenue par la chevillette et censée servir à fermer la porte de mère-grand au méchant loup. La forme cherra (ou choira) est la troisième personne du singulier au futur simple de l’indicatif du verbe choir. À cause de sa conjugaison irrégulière, ce verbe a été abandonné et remplacé par…

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Quel plaid!

Le mot plaid vient du latin classique placitum « principe, dogme », puis, en latin chrétien, « dessein, projet, résolution » et « accord, consentement, pacte ». Attesté dans Les Serments de Strasbourg en 842, document considéré comme le premier texte rédigé en français, il se spécialise dans l’usage juridique pour désigner une convention, un accord, un engagement, puis un procès, un jugement : tenir les plaids, « tenir audience » en province ou dans les juridictions inférieures. Son dérivé plaider le supplante dans l’usage courant vers 1100. Mais déjà en 1080, dans La Chanson de Roland, il s’emploie…

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Bayer aux corneilles

Bayer est issu du latin tardif batare. Il forme un verbe onomatopéique évoquant le bruit bat que l’on fait en ouvrant la bouche. Il signifie « ouvrir grand », soit « ouvrir la gueule » pour un animal et « ouvrir la bouche » pour un être humain. Par abstraction, il évoque le fait de « demeurer la bouche ouverte dans une attitude passive d’étonnement ». Depuis le 17e siècle, ce mot n’est plus guère employé sauf dans la locution bayer aux corneilles, qui signifie « rêvasser, perdre son temps à regarder en l’air niaisement ». L’interprétation moderne de cette locution…

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Modèle de vertu

Au 11e siècle, le mot vertud, puis vertu, se forme sur virtutem, accusatif du latin classique virtus « courage, énergie morale ». Virtus dérivant de vir « homme » comme dans viril, son emploi évoque d’abord les valeurs considérées masculines de « vaillance » et de « force physique », propres au combat : vertu militaire. Puis, la disposition constante à pratiquer le bien, à accomplir son devoir, à se conformer à un idéal : triomphe de la vertu, apparence de vertu. L’aptitude à accomplir des actes moraux par un effort de volonté,…

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For!

Fore! est l’interjection claironnée souventes fois par les golfeurs pour avertir les autres joueurs de prendre garde, car la balle qui vient d’être (mal) frappée se dirige dans leur direction. For est un emprunt au latin classique forum qui a désigné l’enclos autour de la maison, puis qui a pris la valeur de « place publique, marché ». Les affaires publiques ou privées se discutant sur le forum, le mot a pris le sens de « convention » et de « tribunal » puis de « juridiction de l’Église » : for ecclésiastique. C’est de cette spécialisation religieuse que…

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Pareil, pas pareil

Pareil vient du latin tardif pariculus, forme élargie du monosyllabe latin classique par, paris « égal »; de la même façon que soliculus est l’élargissement de sol « soleil ». Comme adjectif, souvent antéposé, le mot qualifie ce qui est semblable par l’aspect, la grandeur, la nature, ce qui revêt les mêmes caractéristiques : en pareille circonstance, à pareille heure, « à la même heure », choses pareilles. Comme nom, il décrit des personnes de même caractère, de même qualité, de même condition, d’un rang égal, souvent précédé d’un adjectif possessif : son pareil, ses pareilles. Une chose…

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Complètement capoté

La cigale ayant rôdé Tout l’été Capota dans la panade Quand la brume fut venue. Pas la moindre bartavelle À tarabuster Jusqu’à la saison nouvelle… Le verbe capoter, comme les autres mots écrits en gras qui travestissent cette fable de La Fontaine, vient du provençal far caboto « saluer, faire la révérence », par une forme intermédiaire far capota, « plonger la tête en avant » où capota est employé par dérision de cap « tête ». Terme de marine, il signifie « chavirer » en français standard, puis « être renversé sens dessus dessous », en parlant d’une embarcation,…

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Se faire la malle

Le mot malle est issu, au début du 12e siècle, du francique malha, reconstitué d’après l’ancien haut allemand mal(a)ha « besace, sacoche » et le moyen néerlandais male « sac de voyage, coffre ». Le mot désigne un coffre résistant et lourd, généralement rectangulaire, plus long que haut dans lequel on enferme les effets et les vêtements qu’on emporte en voyage : malle de bois, malle de cuir, malle d’osier, malle cerclée, malle à couvercle bombé. Au 16e siècle, il revêt la valeur spéciale de « valise de courrier ». Il entre alors dans les syntagmes de…

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Sauce barbecue

Barbecue, anciennement barbacue, barbecu, barbacot, barbicue, est issu de l’anglo-américain barbecue, attesté en 1697. Lequel est lui-même emprunté à barbacoa, un mot de la langue arawak autrefois parlée en Haïti et dans toutes les Caraïbes mais qui de nos jours n’est utilisée qu’à Cuba. À l’origine, il désigne les piquets de bois où l’on accroche de la viande à sécher ou à fumer au-dessus d’un feu. Aux États-Unis, où il est parvenu par les États du Sud, il a pris tour à tour le sens d’« appareil mobile de cuisson à…

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Rempli d’amertume

L’adjectif amer est issu du latin amarus « triste », proche étymologiquement d’autres langues indoeuropéennes telles le sanskrit amlah « maigre » et le suédois amper « aigre ». En français, il reprend les sens concrets et abstraits du mot latin. Celui de sensation d’âpreté souvent désagréable, parfois stimulante, comme l’écorce de citron ou une décoction obtenue par infusion d’herbes à saveur rebutante pouvant servir de tonique ou de médicament: goût amer. Acrimonie qui est cause d’affliction, de chagrin, de tristesse : souvenirs amers. Qui exprime de l’aigreur, de l’animosité : paroles…

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Chercher le magot

Le mot magot est attesté en 1640; il est l’altération de l’ancien français mugot, « trésor caché », de musgot, « lieu où l’on conserve les fruits ». Il évoque une quantité d’argent assez importante amassée et mise de côté, synonyme de bas de laine, pécule : amasser un magot. Son homonyme magot, attesté en 1476, est tiré du nom propre biblique Magog où Gog désigne le roi du pays de Magog, en Asie mineure, qui devait prendre la tête d’une grande armée pour détruire Jérusalem (Apocalypse, 20, 7-10). Le mot est réintroduit au 16e siècle…

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Au menu

Le mot menu vient du latin minutus « petit, mince, fin », lequel contient la base latine min-, issue de la contamination de deux racines indoeuropéennes exprimant la notion de « petitesse », men- et mei-. Il est d’abord relevé au 11e siècle dans l’expression la gent menude, « le bas peuple ». Comme adjectif, il décrit ensuite une personne de conformation frêle, chétive : enfant menu, doigts menus; ce qui est de faible intensité : voix menue. Les animaux de petite taille : menu bétail. Les choses dont le volume, le poids ou les dimensions sont…

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Aller clopin-clopant

La locution adverbiale clopin-clopant, du type cahin-caha et couci-couça, est une formation attestée à l’époque classique par Jean de La Fontaine. Elle est issue de clopin, un dérivé de l’ancien français clop, qui provient du latin cloppus signifiant « boiteux », et qui est demeuré sous la forme cliopin en jersiais, un dialecte normand parlé sur l’île de Jersey. Le second élément est le participe présent du verbe cloper attesté en 1534 par Rabelais dans son roman Gargantua. L’expression signifie d’abord « en boitant, en tirant la jambe », puis, par extension, « dans un état…

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Tenir en haleine

Le verbe haleiner ou halener est issu du latin populaire alenare, altération du latin classique anhelare « respirer difficilement, exhaler ». Le h initial vient d’une réfection orthographique, d’après le latin halare « souffler ». Il conserve ces valeurs en français y ajoutant celles de « prendre l’odeur » (de la proie) en parlant des chiens à la chasse et, au figuré, « deviner, flairer ». Son principal dérivé est haleine, déverbal attesté d’abord sous la forme aleine au 11e siècle. Le mot décrit l’air, souvent odorant, qui sort des poumons au moment de l’expiration : haleine fraîche, mauvaise…

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En temps et lieue

Le mot lieue, qui s’écrit d’abord liue, est l’un des 71 mots d’origine gauloise qui sont parvenus au français d’aujourd’hui. Il désigne une mesure de distance terrestre. À la réflexion, il est fort curieux que ce peuple, qui avait adopté la civilisation romaine, ait réussi à conserver et à transmettre, de génération en génération, sa propre unité de longueur, la lieue gauloise (2 222 mètres) à la place du mille romain (1 485 mètres). Or, même si les Gallo-Romains avaient tous les jours sous les yeux les bornes que les Romains avaient installées sur…

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Prêcher le pardon

Le verbe pardonner est issu du latin tardif perdonare qui signifie, dans un contexte abstrait, « faire remise de ». Il est d’abord attesté sous la forme perdonner au 10e siècle dans l’ancienne expression perdonner vide a : « faire grâce, laisser la vie sauve à » (un condamné). Très vite, il prend son sens actuel de renoncer à punir un manquement, une faute, une offense en n’en tenant pas rigueur à l’auteur et en n’en gardant aucun ressentiment : savoir pardonner, pardonner les injustices, pardonner à son ennemi. Il s’emploie à la forme passive :…

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Loft storie

Loft est un mot d’origine scandinave introduit en anglais au Moyen Âge. Il désignait l’air ou le ciel. La même racine se retrouve dans le mot allemand luft « air » comme dans Luftwaffe, l’aviation militaire allemande durant la Seconde Guerre mondiale, ou comme dans Lufthansa, compagnie d’aviation bien connue. Ce n’est qu’au 13e siècle que loft acquiert le sens de « grenier », hayloft étant un « grenier à foin ». Aux États-Unis, ce mot signifie « grand local à usage industriel ». Emprunté par le français dans les années 1980, il prend le sens de « local transformé en…

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Cris de guerre

Guerre vient du francique werra « tumulte, querelle », qui élimine le latin bellum « combat » au 9e siècle. Substitution correspondant à la germanisation des armées romaines, puis leur remplacement par l’organisation militaire franque. Étymon qui a donné war en anglais, guerra en espagnol, en italien et en portugais. Le mot désigne une situation conflictuelle entre groupes humains ou entre États conduisant souvent à une lutte armée. Par un syntagme générique : guerre civile, guerre sainte, crime de guerre, correspondant de guerre, machines de guerre. Ou spécifique : guerre de Troie, Seconde Guerre mondiale,…

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Virage à dextre

Dextre, en usage depuis le 14e siècle, est un emprunt au latin dextra, féminin de dexter signifiant « droit », par opposition à sinister, « gauche ». Dans la langue augurale, il s’applique à un présage favorable arrivant du côté droit, lié à une croyance largement répandue selon laquelle la droite est associée à un sort heureux et le côté gauche à un sort malheureux. Le mot prend aussi le sens d’adroit, l’accent étant cette fois mis sur le fait de savoir se servir habilement de la main droite par opposition à la gauche. Sa…

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Souvenance de la Sagouine

La Sagouine, ce personnage d’Antonine Maillet, ne parle ni joual, ni chiac, ni français standard. Elle parle la langue populaire de ses pères descendus à cru du 16e siècle. Elle est à elle seule un temps, un peuple, un livre. « J’avons accoutume de défricheter la gazette quand c’est des nouvelles françaises mais je sons pas instruits et je parlons pas en grandeur coume ceuses-là qui virent ben leux phrases. Je disons ce qui me passe par la tête avec les mots que j’avons dans la bouche. J’allons pas à…

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La mue des mots

Muer est issu du latin mutare qui signifie « modifier », marquant à la fois une idée de changement et de mouvement. Son évolution exprime bien comment les mots qu’employaient nos ancêtres sont arrivés jusqu’à nous sous une forme écrite et sonore qu’il est le plus souvent impossible de reconnaître. Mutare ––> mudhare ––> mudher ––> muer Ainsi le latin mutare devient mudhare au 8e siècle, l’usage de la graphie /dh/ étant alors employée pour représenter un /t/ latin entre deux voyelles. Elle se prononçait comme le /d/ de nada en espagnol contemporain.…

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Hymne au printemps

Le mot printemps, d’abord printans, résulte de la soudure de l’ancien français prins « prime » et tans « temps » d’après le latin primus tempus, « première saison ». Dans l’hémisphère Nord, du 21 mars au 21 juin, il évoque la première des quatre saisons : équinoxe du printemps; celle qui succède à l’hiver, où la température s’adoucit, la végétation renaît et reverdit : le Sacre du printemps; qui marque le retour des oiseaux migrateurs et des snowbirds de Floride. Il a pris, par métaphore, le sens figuré de période pendant laquelle des espoirs de libération, de…

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Paix sur terre

En latin, pax signifie « fait de passer une convention entre deux parties belligérantes. » Mais aussi, dans la Rome antique, il évoque la divinité Pax qui préside à la bienveillance. En français du 10e siècle, le mot devient pais, puis paix, par adjonction du x étymologique. Il désigne les rapports entre personnes qui ne sont pas en conflit, en querelle : vivre en paix. La cessation des antagonismes : faire la paix, juge de paix, celui qui sert de conciliateur entre particuliers. Une référence à une norme de vie sociale et citoyenne : paix…

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Charge cosaque

Cosaque est issu du turc quzzak « aventurier », par l’intermédiaire de l’ukrainien kozak qui figure parmi les langues slaves orientales avec le russe et le biélorusse. Au 16e siècle, les cosaques sont des pillards des bords septentrionaux de la Mer Noire, puis, au début du siècle suivant, des cosache, des cavaliers originaires d’Ukraine au service du roi de Pologne. Sur le plan géographique, le mot décrit spécifiquement les habitants du sud-est de la Russie aux coutumes et au style vestimentaire distincts, anciennement colons guerriers et nomades qui fournissaient une cavalerie irrégulière…

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Croque-mitaine

Mon premier dérive de mite, « chatte » en français ancien, par imitation du cri de cet animal. Mon second est le suffixe -aine qui entre dans la formation de mots à valeur onomatopéique et de séquences où le radical est répété : bedaine, bedondaine, dondaine. Mon tout décrit un gant généralement fourré pour protéger du froid, ne laissant qu’une séparation pour le pouce : mitaine. Si, en France, le mot a été supplanté par moufle, au Québec, il est usuel sur tout le territoire et a développé d’autres acceptions. Il désigne une pièce…

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Cocktail météo

Le mot météore vient du grec meteôra « phénomènes ou corps célestes », pluriel neutre substantivé de l’adjectif meteôros « qui est en haut, qui s’élève dans les airs ». En français du 17e siècle, il entre dans le langage courant au sens particulier de « petit corps céleste généralement lumineux qui passe dans le ciel ou tombe sur la terre. » Il produit météorite « fragment de matière cosmique qui s’abat sur la croûte terrestre après s’être embrasé en traversant l’atmosphère » : chute d’une météorite. La tradition consistant à voir des présages dans la manifestation de certains…

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Expirez

Hêtre est un mot issu du francique haistr, langue des Francs, peuple germanique qui envahit et occupe la Gaule à partir du 5e siècle au moment de la chute de l’Empire romain. L’influence des Francs se manifeste, notamment, par l’introduction dans les populations gallo-romaines conquises d’une nouvelle consonne, le /h/, produit par une forte expiration de l’air, comme celle que l’on entend dans le mot anglais hair. Cette prononciation, qui s’est pourtant manifestée il y a seize siècles, explique pourquoi, en français contemporain, l’élision est nécessaire dans l’homme (et non le…

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L’e dans l’o

Le français utilise l’alphabet dit latin; lequel est inspiré de l’alphabet grec; qui dérive lui-même de l’alphabet phénicien. Notre langue comporte vingt-six lettres : six voyelles, introduites par les Grecs, et vingt consonnes. Lettres auxquelles il faut ajouter divers signes graphiques : accents, tréma, cédille, apostrophe, trait d’union, divers symboles comme & et les signes de ponctuation. Mais aussi les digrammes, des mots formés de deux lettres collées, « à ne plus pouvoir se séparer » : curriculum vitæ, et cætera, exæquo. L’e dans l’o est une « ligature » orthographique qui combine ces deux…

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Horde primitive

Le mot horde est connu en Europe dès le 13e siècle. On le relève en latin médiéval sous la forme orda. Il est également attesté en allemand orthographié horda. Il constitue un emprunt au turc ordu « armée, camp militaire » et au mongol ordu, orda « camp, tribu » : grande horde, horde d’Or, la dynastie mongole de Djötchi, le fils aîné de Gengis Khan. Il est introduit avec le sens de « tribu errante, nomades » en parlant des peuples d’Asie centrale : horde tartare; cet emploi est aujourd’hui didactique. Il revêt, avec une valeur péjorative,…

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Manières de voir

Le mot manière vient du latin videre « percevoir par la vue », étymon lui-même issu de la racine indoeuropéenne weid- indiquant la vision en tant qu’accès à la connaissance. En français, il est l’aboutissement d’une évolution phonétique attestée par les formes veder (980), vedeir (1080), veeir, (1155) et veoir (1200). Son orthographe définitive est attestée depuis 1636. De nos jours, ces principaux sens reprennent l’ensemble des acceptions du latin. Ceux de « percevoir les images des objets par le sens de la vue » : avoir des yeux pour voir et des oreilles…

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Gros câlins, gros bisous

Le verbe câliner est attesté depuis la fin du 16e siècle. Il vient du latin populaire calina de calere « être chaud », proche de calor « chaleur », qui produira calorifère : chaud comme un calorifère, qualité peu romantique chez un homme mais particulièrement appréciée d’une amoureuse l’hiver. Le normand caliner lui donne le sens de « faire des éclairs de chaleur ». Dans ce dialecte, il se dit aussi des animaux qui se reposent à l’ombre pendant les grandes touffeurs de l’été. En français, l’évolution sémantique de « réchauffer » à « cajoler », et « se tenir dans l’indolence,…

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Dommage collatéral

Dam, vieux de plus de mille ans, vient du latin damnum « préjudice », « perte matérielle », d’où « amende et peine encourue ». En emploi isolé, il n’est plus usité depuis le 16e siècle : peine du dam, châtiment des réprouvés, qui consiste à être éternellement privé de la vue de Dieu. De nos jours, seule survit la locution au grand dam (de quelqu’un), à son détriment, à son grand regret. Le mot souffre de sa brièveté. Il est progressivement remplacé par son dérivé dommage dont la forme primitive damage, au 11e siècle, est empruntée…

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